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Pas de radar, le traité de Lisbonne et le gouvernement tanguent

(B2) Mirek Topolanek, le Premier ministre tchèque, a finalement retiré le texte sur la ratification du traité sur le bouclier antimissile américain et l'installation d'un radar, qui devait être discuté ces jours-ci à la Chambre des députés. Il n'était pas sûr, en effet d'obtenir une majorité à la Chambre et risquait même de voir le texte refusé. Une gifle pour le gouvernement d'autant plus retentissante qu'il est à deux doigs de tomber, après le dépôt d'une motion de censure.

La majorité à un fil. Aux voix du parti social-démocrate (CSSD) et communiste pouvaient, en effet, se joindre celles de dissidents verts (deux députés ont été virés du parti vert, membre de la coalition gouvernementale) et même de l'ODS (le parti de Topolanek). Soit les quelques voix manquantes à l'opposition qui a 97 voix pour atteindre le seuil de la majorité de 100 voix). Selon les décomptes réalisés par mes collègues tchèques d'Aktualne, l'état des votes était, en effet, le suivant:
• Pour la ratification du radar:  96 voix sûr (ODS - forum civique + chrétiens-démocrates + Verts)
• Contre la ratification du radar : 97 voix (communistes, sociaux-démocrates + 2 anciens députés Verts Olga Zubova et Věra Jakubkova
• Votes incertains : Ludvík Hovorka (Chrétien-démocrate, probablement contre), Ondrej Liska (Verts, contre ou abstention) Evžen Snítilý (idem), Milos Melcak et Petr Wolf (ODS plutôt pour, mais
incertain)

Le coeur n'y est plus. Le Premier ministre Tchèque ne renonce pas pour autant, a-t-il déclaré à mes collègues tchèques. Mais on sent bien que le coeur n'y est pas. D'autant que le doute est surtout sur la position américaine. « Ce n'est pas nous qui avons commencé à négocier » a-t-il rappelé à Aktualne. Et aujourd'hui «Il existe des doutes sur le calendrier et le financement du projet. La visite du président Barack Obama et le sommet de l'OTAN à Strasbourg - Khel devrait envoyer un signal clair (sur ce point). » En fait, la situation est plus grave que le seul traité sur le bouclier anti-missiles. Elle concerne aussi le Traité de Lisbonne et la viabilité de ce gouvernement qui préside tout de même encore jusqu'à fin juin l'Union européenne.

Le Traité de Lisbonne en otage.
Cette décision pourrait-il signifier la fin du processus de ratifiation du Traité de Lisbonne ? Topolanek a rappelé, en guise d'avertissement suprême « Je
pense que c'est possible (pas de ratification). Mais je voudrais souligner que ce n'est pas notre entière responsabilité. Je ne veux pas enjoindre à quiconque comment voter et dans quel dossier. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises
» (une majorité de députés ODS refusent le traité de Lisbonne tandis que l'opposition souhaite sa ratification; la situation étant inverse pour le traité sur le bouclier anti-missiles). Nota bene (mis à jour) : la Chambre des députés a voté, jeudi (19 mars), une réglementation qui est une condition posée par les sénateurs du Parti civique démocrate (ODS). Elle est un verrou permettant d'empêcher le gouvernement de transférer les compétences nationales à l’Union européenne, sans accord des deux chambres du Parlement.

Le gouvernement est sous le coup d'une mention de censure. C'est la cinquième motion de censure déposée par l'opposition. Aucune n'a réuni la majorité jusqu'ici. Mais cette fois, la situation est très tangente. Car la même coalition qui s'est formée sur le bouclier anti-missiles pourrait se former pour faire tomber le gouvernement. Certains députés proches de Klaus ne rechigneraient même pas à donner un petit coup de pouce à l'opposition, d'après mes informations, histoire de faire tomber Topolanek (*). Le vote a lieu dans quelques jours, le 24 mars. Et Topolanek est sur les charbons ardents. C'est le moins qu'on puisse dire.

Topolanek nerveux même au Conseil européen ! Quand je lui ai posé la question, à la conférence de presse du sommet européen hier soir (jeudi 19 mars), le Premier ministre tchèque a été sur la défensive répondant par une pirouette « Vous êtes Français. Chez nous la démocratie se discute au Parlement pas dans la rue.» Et d'ajouter : « Combien de gouvernements, sous
d’autres présidences, ont été mis en minorité. Il n’y a donc pas de problème de continuité pour la présidence de l'UE. Soyez rassurés.»

(*) La haine semble s'être installée de façon aussi farouche entre les deux hommes qu'entre N.Sarkozy et J. Chirac. Topolanek, il y a quelques jours, a accusé ni plus ni moins la dernière élection
présidentielle (où pourtant c'est le chef de l'ODS, Vaclav Klaus qui a été élu...) de s'être déroulée dans une atmosphère de manipulation. «Il y a des preuves montrant comment a été manipulée l’élection présidentielle il y a un an, et les façons dont a été violé le droit constitutionnel et dont messieurs Randák et Dimun ont mené et dirigé cette affaire. » a-t-il déclaré. Menaçant de mettre en place une commission d'enquête. Ambiance...

 (NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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