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EUNAVFOR en japonais, voilà… Et vive les pirates!

(B2) Mainichi Shimbun, quotidien japonais, m'a demandé (par l'intermédiaire de son correspondant à Bruxelles) de plancher pour son supplément hebdomadaire, Global Eye, sur l'opération militaire EUNAVFOR Atalanta. L'article vient de paraître (télécharger ici). Cette demande était un véritable pari : expliquer le contexte européen pour un public dont je ne
connais pas du tout les attentes et qui ne connaît peut-être pas toutes les complexités de notre "communauté" européenne. Mais elle était intéressante car elle démontre, venant du Japon, combien ce que fait l'Europe peut produire de changements dans les états d'esprit.

Au-delà des aspects que nous connaissons tous sur l'opération, ses enjeux, ses difficultés, ses défis - que j'ai déjà décrits -, cet article m'a donné l'idée de recenser tous les changements de stratégie qu'impliquent, ou que permettent, cette opération de lutte anti-pirates dans le Golfe d'Aden.

1) Des rapprochements opérationnels que la politique pourrait interdire de prime abord.

J'avais déjà évoqué, sur ce blog, les rapprochements russo-américain qui se sont opérés, alors que les uns et les autres étaient plutôt en froid depuis le conflit en Géorgie. De même on peut remarquer aussi que l'engagement d'un navire grec dans l'opération EUNAVFOR et maintenant d'un bateau turc dans l'opération de la coalition américaine (CTF-151) pourrait favoriser quelques opérations "impromptues" en commun alors que le climat entre les deux pays reste parfois émaillé d'incidents divers (survols de zones reconnues territoriales par les uns mais pas par les autres).

2) Des avancées géopolitiques.

Pour certains pays - la Russie, la Chine... cela permet de réintégrer le "concert des nations" en douceur. Ce pourrait être d'ailleurs le prélude (ou non) à une coalition d'une autre nature (Usa-Russie-Chine) sur l'Iran. Du moins c'est ce qu'espèrent les Américains. C'est aussi pour ces pays - comme pour d'autres (Japon, Inde, France, etc...) - le moyen d'affirmer leur présence dans une zone, stratégique au plan mondial, à deux pas de l'Iran, de l'Iraq, du Yémen, de zones pétrolifères importantes...

3) Des petits pas vers un engagement militaire plus important
international.

Dans ce sens, l'engagement de la marine allemande, dans une opération plus offensive, n'est pas anodin. Cest un pas de plus, très mesuré, vers l'abandon d'une prudence d'engagement (j'y reviendrai). Il en est de même de l'annonce suisse de sa participation à EUNAVFOR, qui permet également à la confédération helvétique d'avoir l'opportunité de revoir sa loi sur les opérations extérieures à l'étranger. Quant au Japon, aussi, c'est une nouveauté, une manière de rompre avec une certaine neutralité, même si l'engagement reste limité et sous couvert de la police maritime...

Alors je dirais, avec un peu d'ironie : heureusement que les pirates sont là ; sinon il aurait fallu les inventer !

 (NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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