B2 Le Blog de l'Europe géopolitique. Actualités. Réflexions. Reportages

Analyse BlogDéfense UE (Doctrine)

UE-USA: un rééquilibrage politique de sécurité à réinventer

(Archives B2) Sur le terrain de la sécurité l’Europe qu’a, face à lui, Barack Obama ne sera pas tout à fait celle qu’avait Georges Bush en arrivant, même lors de son second mandat.

D’une part, les nouveaux États membres sont pleinement intégrés. Et si leur atlantisme reste intact, il n’est plus automatiquement synonyme d’opposition à l’Europe de la Défense. L’expérience irakienne, notamment, a sonné le glas de la fidélité sans doute. D’autre part, la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) est pleinement opérationnelle. Incontestablement, les quatre opérations menées dernièrement — au Tchad (militaire terrestre), en Somalie (militaire aéronavale), au Kosovo (État de droit) en Géorgie (observation du cessez-le-feu) — ont marqué un changement de nature dans les capacités opérationnelles et politiques d’intervention, observé avec attention à Washington. L’UE est désormais autonome, pouvant se déployer, là où les États-Unis ou l’Otan ne le peuvent pas. Enfin, les Etats-Unis – enlisés en Afghanistan et dont la victoire en Irak reste fragile — ne sont plus l’hyperpuissance des années 1990-2000. L’émergence avec l’Europe, de la Russie ou de la Chine, pourrait obliger à davantage de compromis – ou de répartition des tâches - que les années précédentes.

L'Europe de la Défense (PESD)

Après un certain attentisme, pour ne pas dire une hostilité, l’Amérique a une soudaine « tendresse » pour la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). A Bucarest, en avril dernier, Georges Bush avait reconnu l’intérêt de l’Europe de la Défense. De manière plus concrète, des policiers américains sont venus rejoindre la mission européenne « Eulex Kosovo ». Un expert militaire américain est déjà présent dans la mission de réforme des armées en Guinée-BIssau. Et un autre devrait le rejoindre au Congo. L’approfondissement de ces relations pourrait être à l’ordre du jour.

Un Pacte de sécurité européen

La proposition « Medvedev-Poutine » d'un nouveau Pacte de sécurité (lire : les trois principes de Poutine en matière de sécurité européenne) – reçue avec condescendance, outre-Atlantique, a été saluée par plusieurs partenaires européens (France, Allemagne, Espagne…) comme une avancée digne d’être examinée, même si son contenu reste pour l’instant très flou. Ne serait-ce que pour rétablir des relations plus confiantes avec la Russie. Cet examen reste inséparable de la nécessaire refonte des deux autres organisations de sécurité en Europe – militaire avec l’Otan et diplomatique avec l’OSCE – toutes les deux « au milieu du gué ».

Une Nouvelle Otan ?

La fin de la guerre froide avait pris de court l’organisation Euro-atlantique, qui s’était repositionnée comme un opérateur « mondial » de sécurité. La guerre en Géorgie, au mois d’août 2008, pourrait avoir sonné le glas d’un expansionnisme sans fin. Certains États (de l’Est européen) s’inquiètent de voir l’organisation courir le monde, et abandonner leur propre sécurité. Le retour à la bonne vieille défense territoriale qui avait fait la gloire de l’Otan dans les années 1950-60 n’est-il pas nécessaire ? En matière d’organisation, plusieurs États – notamment à l’ouest-européen - militent pour une meilleure prise en compte des partenaires non-américains et la création d’un véritable pilier européen de l’Alliance.

Dans une lettre ouverte adressée à Obama, le ministre des Affaires étrangères allemand (SPD) Frank-Walter Steinmeier estime qu'une "nouvelle orientation" de l'Otan est nécessaire (lire : Steinmeier à Obama (usa): « une nouvelle orientation » pour l’Otan). Ce double débat devrait culminer lors du sommet Kehl-Strasbourg, au moment où la réintégration de la France de la plupart des commandements de l’organisation devrait mettre fin à toute une époque de suspicions réciproques. La venue d’Obama, première visite en tant que président sur le continent européen, sera en lui-même un évènement.

L'engagement en Afghanistan

La double stratégie américaine en Afghanistan – menée sous couvert de l’Otan et directement par l’opération « Enduring freedom » – est de plus en plus critiquée, publiquement, même par les hauts gradés. Les généraux Britanniques et les Allemands étant les plus virulents. Le général Allemand, Egon Ramms, commandant de l'Allied Joint Force de l'Otan a ainsi considéré, dans le Stern, que la stratégie de renfort à outrance, approuvée par le candidat Obama, n’était pas la bonne. « L'Alliance ne devrait pas essayer de contrôler tout le pays mais seulement les zones où la population est la plus nombreuse » (lire : La stratégie de l’Otan en Afghanistan critiquée par un général allemand). Même sentiment pour le général Mark Carleton-Smith, commandant des forces britanniques de l'Alliance, expliquant, dans une interview au Times début octobre, que l'Otan ne pouvait gagner cette guerre et que l'objectif devait être désormais de maintenir l'activité des rebelles à un niveau contrôlable par l'armée afghane.

Le bouclier anti-missiles

L’accord signé entre les États-Unis, la Pologne et la République tchèque pour l’installation d’éléments du bouclier anti-missiles américain (radar et rampe anti-missiles) sera-t-il confirmé ? Les conseillers du candidat démocrate, lors de la campagne électorale, avaient affirmé que la poursuite du programme serait liée à son utilité, son coût… et son objectif. A défaut d’abandonner le programme, l’idée de le réorienter est possible, comme l’a expliqué le chef de la diplomatie polonaise, Radek Sikorski, au sortir d’une entrevue, en septembre dernier, avec Obama : « le principe d'un bouclier, seulement à condition qu'il ne soit pas dirigé contre la Russie » (lire : Sérieux doute polonais sur la réalisation du bouclier anti-missile).

Robert « Bob » Gates, homme connu et connaisseur de l'Europe, fidèle de Bush

L'Europe de la Défense n'aura pas non plus un inconnu face à elle de l'autre coté de l'Atlantique. Robert « Bob » Gates, était secrétaire à la Défense sous le républicain Georges W. Bush, depuis novembre 2006 (quand il succède à Donald Rumsfeld démissionnaire). Il le reste sous le démocrate Obama. Etonnant. Cet homme, né en 1943, est un fidèle de Bush. Mais il connait bien l'Europe. Historien de formation, spécialiste de l’Europe - diplôme en histoire européenne et doctorat sur la Russie et l’Union soviétique (1974) – est entré à la CIA en 1966 et a gravi tous les échelons, pour finir par la diriger (1991-93) malgré une controverse sur les livraisons d’armes aux contre-révolutionnaires nicaraguayens. Il a été également conseiller adjoint au sein du Conseil national de sécurité du président George W. Bush (senior) de 1989 à 1991 et après la CIA, a dirigé la « George Bush School of Government and Public Service » de l’université A&M du Texas.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Article paru dans Europolitique ce week-end

(photo : Bob Gates avec Vlasta Parkanova, la ministre tchèque de la Défense lors de la signature du bouclier anti-missiles)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®