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La directive « soins transfrontaliers » trépasse, bonne nouvelle ?

(B2)Finalement plusieurs Etats membres - la Pologne, la Roumanie, la Grèce, l’Espagne, le Portugal notamment (mais d'autres plus silencieux soutenaient cette position) - ont formé une solide minorité de blocage pour rejeter le projet de directive “soins trasnfrontaliers” au dernier conseil des ministres de la Santé de l'Union européenne, le 1er décembre. Une bonne nouvelle. Oui n'ayons pas peur des mots. Et ne nous cachons pas derrière un silence gêné. Cette directive était de toute façon mal partie. Et j’avais eu déjà l’occasion de dire “tout le bien” que je pensais sur ce texte (Lire : Pourquoi la proposition "soins transfrontières" est hypocrite). Ce texte avait un gros défaut : mélanger les genres, pousser, sous prétexte de droits des patients, d'une meilleure santé, à une réorganisation des systèmes de santé, à une libéralisation plus poussée, à un changement des flux financiers et de solidarité. Il de faire supporter par le système de solidarité nationale, le fait que certains patients préfèrent se faire soigner au soleil.

Maintenant il ne s'agit pas non plus de se leurrer. Le problème reste entier. Il ne peut être éludé plus longtemps. Il y a un problème de remboursement de soins pour des patients qui ne peuvent avoir des soins adéquats dans leur pays ou préfèrent se faire soigner près de leurs proches. Il y a un problème fondamental d'information. Il y a un problème d'économies à faire, de recherche à développer, de moyens à mettre en commun. Il faudra aussi, un moment, aborder la question de la solidarité transfrontalière.

A mon sens, la question doit donc être reprise sous plusieurs angles, avec des instruments juridiques bien distincts, qui ont chacun des objectifs et des bases juridiques et politiques, voire des calendriers différents.

• l’information des droits des patients. Elle doit être effectivement mieux assurée. Et une directive centrée sur ces aspects pourrait être bienvenue. La proposition était plutôt bienvenue. Et personne ne devrait pouvoir s’y opposer fondamentalement. Il pourrait être nécessaire d'assurer une autorité, type médiateur, facile à appeler pour régler les problèmes transfrontières, proche de la Commission (pour permettre d'enclencher des procédures d'infraction) pour éviter qu'un patient soit baladé d'un système ou d'un pays à l'autre.

• la responsabilité médicale. Si il y a libre circulation des citoyens, et d’une certaine façon des patients, la question de la responsabilité médicale doit être envisagée de façon européenne, avec une certaine harmonisation, au moins en termes d’assurance-responsabilité, de droits des patients et d’information. Ceci peut être réglée dans une directive ou un règlement. D'autres éléments comme les "soins de suite" (la possibilité de poursuivre des soins dans un autre pays pourrait également être réglée).

• la question du remboursement des soins. Elle doit être clarifiée. On ne peut en rester ainsi dans un maquis juridique. Mais ceci doit se faire dans le cadre du règlement « sécurité sociale ».

• la question de la solidarité transfrontalière. Oh combien délicate. Certains dispositifs sont déjà prévus au sein du règlement sécurité sociale. Ils pourraient être renforcés. Mais il serait peut-être nécessaire de prévoir des dispositifs spécifiques, dans ce cas au sein d'un règlement nouveau..

• la question des autorisations d'équipement, question ressortant du droit de la concurrence surtout, pourrait être réglée au sein d'une décision "d'exception" de la Commission, ou de lignes directrices fixant et clarifiant les règles à appliquer en la matière.

• Enfin, d'autres questions comme la recherche transfrontière sur les maladies rares, les pôles de compétence ... devraient être abordées soit dans un texte spécifique, soit dans un ou l'autre de ces instruments.

Ce paquet "soins transfrontières" serait plus complet que celui présenté, aurait l'avantage de bien distinguer chacun des questions sans mêler les questions de concurrence et de santé des patients. Et d'être, somme toute, plus efficace.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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