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Les Néerlandais demandent aux Danois d’extrader “leurs” pirates

(B2)Ce pourrait être le deuxième pays de l'UE à vouloir juger des pirates. Après les Français (en avril et en octobre), le ministre de la Justice néerlandais a, en effet, officiellement convenu avec son homologue danois, en marge de la réunion informelle des ministres de la Justice à Prague, de pouvoir extrader les pirates actuellement détenus sur le navire de guerre danois Absalon - qui vient de terminer sa mission à la tête de la CTF 150 (*).

Le 2 Janvier, l'équipage du Samanyulo - un cargo battant pavillon des Antilles néerlandaises - avait réussi à déjouer - avec l'aide du navire de guerre danois Absalon - une attaque. Le Samanyulo avait envoyé des fusées éclairantes contre le bateau pirate qui le poursuivait tandis que l'hélicoptère danois, dépêché sur place, envoyait des coups de semonce. Le bateau pirate prenant feu, les pirates avaient sauté par-dessus bord, puis avaient été repêchés par l'Absalon et mis sous bonne garde.

Une prise qui posait - à nouveau - un problème aux Danois qui ne peuvent traduire en justice selon leur droit national les pirates pris en haute mer. Même si les ministres se sont mis d'accord sur le principe de l'extradition (**), jeudi dernier, il reste encore plusieurs détails à régler entre le procureur néerlandais et ses homologues danois. Les pirates pourraient ainsi ne pas aller directement aux Pays-Bas mais pourraient devoir transiter par Copenhague. Mais selon quel droit et quelle inculpation ?

En tout cas, cette "transmission" est ressentie comme un évènement aux Pays-Bas. Jamais personne n'a été jugé pour piraterie, selon nos confrères de la radio néerlandaise. Pour la première fois, l'article 381 du code pénal - qui prévoit jusqu'à 12 ans de prison pour le capitaine du navire pirate et 9 ans pour les membres d'équipage - pourrait ainsi être mis en oeuvre. La compétence néerlandaise est justifiée, selon Wim de Bruin, porte-parole du Parquet, car "le navire naviguait sous pavillon des Antilles néerlandaises."

Mais un procès étant un procès. Il n'est pas dit que l'équipage du bateau ataqué ne puisse pas, lui aussi, être... inculpé : pour le tir des fusées éclairantes et la non-assistance. En tirant des fusées qui ont mis le feu au bateau, le juge néerlandais devra déterminer si ce tir ne constitue pas un "usage excessif de la violence" dans le cadre de la légitime défense. Il devra aussi examiner s'il n'y avait pas obligation pour le Samanyulo d'aider les personnes qui sont allées à l'eau.

(NGV)

    (*) Le Danemark ne participe pas à l'Europe de la Défense et donc pas à l'opération de l'UE, Atalanta, mais à l'opération CTF 150 dont il dirigeait la force jusqu'au 13 janvier. Le Danemark a commandé en tout - selon l'officier de presse de l'Absalon - 39 navires de pays différents : États-Unis, Royaume-Uni, Pakistan, Allemagne, France et Danemark. Des unités de la flotte saoudienne ont aussi été mises à disposition de la Task Force 150.
    (**) Le Danemark ne participe pas (non plus) à la coopération pénale. Du coup, au lieu du "mandat d'arrêt européen" qui a accéléré les procédures, il faut recourir à la procédure d'extradition, plus longue, plus complexe, qui transite par le ministère des Affaires étrangères.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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