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Sarkozy enfonce le clou contre une opération Eufor Goma

(B2) Nicolas Sarkozy, cloturant le sommet européen des 11 et 12 décembre, a été très clair sur l'opportunité d'une opération européenne au Congo. Refusant d'y voir un "échec" de la politique de défense européenne, ainsi que je l'avais apostrophé, il a répondu, plutôt gêné aux entournures, trouvant toutes les justifications pour ne pas enclencher une opération européenne :

« 1) En RDC, il y a 17 000 soldats de l’Onu, l’opération la plus importante de l’ONU. Et apparemment seulement 800 servent. Alors est-ce qu’avec 3000 de plus, on résoudra la question ? » « Il y a peut-être aussi des problèmes d’organisation et pas seulement de nombre. »

2) « L’Angola est prêt à s’engager, sous couvert de l’Onu. Ne vaut-il donc mieux pas engager des forces régionales que des forces européennes ? » a ajouté le président faisant référence explicite aux reproches qui étaient nés lors de l’opération au Tchad. Et d'ajouter ce qui parait être le fil de sa pensée : « On ne peut pas tout faire. On ne peut pas être toujours partout. Il y a des limites. ». Avant de se reprendre :  « Mais on ne veut pas rien faire. « S’il s’agit d’aider par un pont aérien, pour des vivres ou une opération humanitaire », pourquoi pas a-t-il semblé dire. (*)

NB : le président français et le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, seront au Congo début janvier pour rencontrer les principaux protagonistes de la région.

Une discussion au sommet

Un propos qui semble refléter le contenu de la discussion qui a duré environ 3/4 heures au diner des ministres des Affaires étrangères le soir du 11 décembre. Chaque État a, semble-t-il, posé des questions sur la situation en ne s'engageant pas vraiment plus. En gros, peu d'évolution par rapport au débat lors du Conseil des Affaires étrangères du 8 décembre. Plusieurs ministres ont semblé interloqués par les rapports contradictoires qui semblent remonter sur le terrain, sur la réalité de la situation humanitaire, et également sur l'état de la MONUC. « On reçoit tellement de rapports de la Monuc, sur son renforcement, la logistique..., qu'on n'a pas une vue claire de ce qu’est la Monuc. Personne ne sait nous dire exactement dans quel état est la Monuc » confirme Karel de Gucht, le ministre belge des Affaires étrangères. Chacun « ressent qu’il faudrait faire quelque chose mais nous ne savons pas quoi (faire) ». On se dit qu’on ne peut pas refuser d’intervenir, « ça ne serait pas sérieux, ce serait une honte". Mais ensuite quand on passe à la faisabilité, "qui et comment envoyer des troupes »... ca devient plus difficile, très difficile.

Il est vrai que la présence de Louis Michel dans la région n'a pas vraiment aidé à la clarté du débat, contrairement à ce qu'on aurait pu en attendre. Mais a plutôt ajouté à la confusion... « Quand on a un commissaire qui explique sur place qu'il n'y a pas vraiment de besoin d'une intervention militaire », c'est encore plus difficile pour comprendre ce qui est vraiment nécessaire, précise un connaisseur du dossier.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(*) Texte intégral de Nicolas Sarkozy

Sur la question du Congo. Je veux d’ailleurs rendre hommage à tout ce qu’a fait Bernard Kouchner en la matière. Le problème, ce n’est pas du tout que l’Europe ne veut pas y prendre sa part, l’Europe est prête à y prendre sa part. Je fais deux remarques. La première, c’est qu’à l’heure actuelle, en RDC, il y a 17 000 soldats de l’ONU, que c’est la plus importante opération onusienne. Je suis désolé, quand il y a déjà 17 000 soldats et que l’on m’explique qu’il n’y en a que 800 qui servent, je me demande si c’est nécessaire d’en envoyer 3 000 de plus, avec 17 000 ! Première remarque. C’est une question.

Deuxième remarque. On met RDC, Rwanda, Angola. J’ai eu moi-même au téléphone le Président Dos Santos qui est un acteur régional, qui m’a dit : « l’armée angolaise, dont vous connaissez l’efficacité, est prête à s’engager pour la paix à condition que ce soit sous mandat ONU. Question que je pose : « est-ce que, par souci d’efficacité, il vaut mieux, s’il y a besoin de renforts - je rappelle qu’il y a 84 aéronefs là-bas -, est-ce qu’il ne vaut pas mieux faire appel d’abord à des forces régionales, quasiment prêtes, installées, qu’à des forces européennes ? »

Dernier point. S’agissant des forces européennes, on est au Tchad. Maintenant, après m’être battu pour que l’on soit, avec Bernard Kouchner, au Tchad pour stabiliser cette région du monde, avec le Darfour à côté où tout le monde nous a dit : c’est une nouvelle opération entre guillemets « France- Afrique » de la France. Je ne vois pas comment on pourrait nous reprocher de ne pas vouloir être présents en RDC.

Enfin, s’il s’agit d’aider par un pont aérien pour des vivres, de l’humanitaire, pourquoi pas ? Et puis, si vous voulez que j’aille au bout de ma pensée, il faudra un jour que l’on discute de la présence des armées françaises, par exemple en Côte d’Ivoire, où j’attends avec grande impatience les élections ; que nous redéployons aux soldats au service de la paix dans d’autres régions d’Afrique où d’ailleurs, on connaît nos responsabilités. Nous ne pouvons pas tout faire. Je l’ai dit au secrétaire général Ban Ki-Moon, il le fait d’ailleurs. C’est un homme que je soutiens et que j’apprécie. Il y a peut-être des problèmes d’organisation et pas simplement des problèmes de quantité ou de nombre.

Dire cela ce n’est pas se désintéresser de la RDC où d’ailleurs nous avons prévu avec Bernard Kouchner de nous rendre en janvier 2009 et j’aurai l’occasion d’en dire plus. Ce n’est vraiment pas un désintérêt. J’ai eu le président (rwandais) Kagamé, le président (congolais) Kabila, le président (angolais) Dos Santos. Bernard y est allé. On essaye de trouver la meilleure solution. On ne peut pas non plus être partout, toujours, sans limite. Et surtout, peut-être y-a-t-il des endroits où il n’y a pas un soldat de l’ONU. Y aller là où il y a 17 000 soldats de l’ONU…Entre cela et ne rien faire, il y a un équilibre que l’on est en train de trouver. On ne veut pas ne rien faire. * * *

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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