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Entre l’Otan, l’UE et la France, le dialogue est toujours… percutant

(B2)Intervenant aux « Security & Defence Days 08 », le 4 novembre à Bruxelles - une conférence organisée par plusieurs thinks tanks et consultants européens (CEIS, SecurityDefenceAgenda, Fondation Robert Schuman), le lieutenant-général américain Karl Eikenberry, chef adjoint du comité militaire de l’Otan, a pointé du doigt les lacunes européennes dans trois domaines : l’équipement, les opérations et l’engagement politique ou idéologique.

Les faiblesses de la PESD...

Bien qu’exprimé « à titre personnel », ce constat direct, reprend - on s'en doute - une partie de la perception qui prédomine à l'Otan - ou au moins dans une partie de l'armée américaine - sur la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Et il mérite d'être écouté. Car tout ce qui est décrit est sans doute une "part" de la réalité.

Des lacunes d'équipement

« Les forces européennes ont tendance à faire cavalier seuls. Il y a des redondances, des problèmes quantitatifs mais aussi qualitatifs » a-t-il relevé. J'en ai été témoin en Afghanistan. Et de citer. «L’Europe consacre 55% à sa masse salariale contre 20% aux Usa, 19% aux acquisitions contre 29% aux Usa, 100 000 euros par soldat et seulement en Europe deux pays dépassent les 30 000 euros, la plupart sont au-dessous de 20 000. Lors du sommet Helsinki, une cinquantaine d’objectifs de capacité avaient été fixés, 12 seulement ont été réalisés. Il y a un nombre de handicaps de capacités (dans des domaines importants) : les hélicoptères, les renseignements, le ravitaillement. »

Des capacités opérationnelles bien modestes

Au niveau opérationnel, si la PESD a « réalisé 20 opérations », celles-ci restent modestes. « Seules 5 comptaient plus de 100 soldats ». « La génération de force reste un exercice difficile, compliqué par des effets pervers du système de financement qui fait que l’Etat qui s’engage, supporte davantage l’opération ». Enfin, il a mis en doute la capacité de l’UE à avoir une « capacité d’intervention dans une zone complexe ». l'UE se vante d’avoir « une approche globale de l'UE vantée. (Mais elle) n’a pas su jusqu’ici développer une force expéditionnaire civile ».

L'Europe un ventre mou de la sécurité ?

Allant plus loin, le général s'est ensuite interrogé sur l'engagement idéologique de l'Europe : « La réussite économique en Europe n’a-t-elle pas eu raison de son effort collectif pour considérer une attaque contre une partie de l’Europe est une attaque contre soi-même ? N’a-t-on pas trop désarmé après la guerre froide ? » Après une telle offensive, le général s’est voulu rassurant. « Si je devais faire une critique de l’Otan, j‘évoquerai les mêmes problèmes (de capacités), les mêmes défis. Les problèmes de l’UE sont ceux de l’Otan ».

Mais quand même, un soldat Ue est aussi bon qu'un soldat Us

Après ce véritable tir sur la PESD, le général s'est rattrapé... tressant des louanges aux troupes européennes (Eikenberry était commandant des forces conjointes en Afghanistan) : « J'y ai vu le meilleur, des forces engagées, défendant des idéaux élevés, des partenaires remarquables, courageux, à hauteur de tout ce qu’un soldat Us attend »...

Une relation se batit sur la confiance d'abord, répond Alliot Marie

Des répartitions de compétence possibles

La réponse européenne, par le biais de la Ministre français de l’Intérieur, Michele Alliot-Marie (MAM pour les intimes) n'a pas tardé. Sachant de quoi elle parle, MAM est ancienne ministre de la Défense (sous Jacques Chirac) a répliqué tout aussi directement  : «Le lien transatlantique oui il doit exister. Mais cela doit se faire dans des relations de confiance, il y a certains pays qui croient encore qu’avoir une Europe de la défense c’est minimiser l’Otan». Je suis convaincu qu'il y a « des répartitions de compétence possibles. Dans certains types de conflits, seule la puissance de l’Otan qui ne peut qu’intervenir. Dans d’autres, l’UE a des instruments que n’a pas l’Otan. Quand ce sera clair sur cela, ce sera plus facile».

Un partage des menaces implique un partage des réponses et une analyse idéologique commune

Et la Ministre d'ajouter : « L'Atlantique n’est pas une frontière pour la criminalité. Nous
partageons les mêmes risques, les mêmes menaces. Nous devons partager davantage – des réponses techniques (services de renseignements coopèrent beaucoup) mais aussi des réponses idéologiques. Jusqu’à quel degré de sécurité, nos populations sont-elles prêtes à renoncer dans l’exercice de leurs libertés économiques et des libertés. Il y a un dialogue sur certaines questions qui doit être posée. Nous avons en commun de partager des valeurs, comme les libertés, le respect des hommes et femmes. Ce qui nous unit va au-delà de toutes les différences
. »

(NGV)

(version longue d'un article paru dans Europolitique).

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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