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Trois navires de l’Otan sur zone, mais sans règle pénale précise

Finalement ce ne seront pas sept navires - comme annoncés au départ - mais seulement trois navires du Groupement permanent maritime de l'Otan, le SNMG2, qui sont arrivés dans la zone pour lutter contre la piraterie. Il s'agit des navires européens - grec, britannique et italien ; les autres du groupement (turc, américain, allemand) poursuivent leur route pour assurer la visite des ports comme prévu à l'origine. Soit largement moins qu'annoncé au départ !

Une opération aux contours plus que flous

La question est maintenant : dans quelle zone, pour quoi faire et comment, jusqu'à quand ? Et là, c'est toujours assez flou. Notamment sur l'accompagnement des bateaux du programme alimentaire mondial. Effectivement, le navire néerlandais, déjà sur place, vient de prendre le relais des Canadiens, au nom de l'Union européenne. Et l'officier de l'Otan que j'ai eu au téléphone ne peut pas dire si les bateaux de l'Otan vont assurer cette mission ? Quand ? Ou s'il est prévu qu'ils assistent le bateau néerlandais en renfort...  Quant à la protection des navires marchands ou des bateaux anti-pirates. Là encore. Réponse floue. Au nom du "secret défense"... Il serait cependant utile que les navires marchands sachent dans quelle zone, les bateaux de l'Otan vont patrouiller. Est-ce dans le couloir défini dans le golfe d'Aden - et sécurisé partiellement par la CTF 150 - ou dans d'autres zones comme les Seychelles ou le large de la Somalie ?

Des règles d'engagement juridiques inconnues

Si l'Otan affirme que ces règles d'engagement ont été bien définies, on ne sait rien en revanche du sort qui serait réservé aux pirates saisis. Là encore silence : "c'est du ressort de chaque Etat participant". Quelles règles communes ont été prévues ? Réponse identique... Logique. L'Otan reste une organisation intergouvernementale, elle doit se reposer sur chaque règle nationale pour agir. Ainsi, selon les informations que j'ai obtenues, aucun des trois Etats concernés par leurs bateaux sur zone n'a une loi extensive permettant de juger les pirates, sauf dans quelques cas très précis.

Le 17 octobre l'Otan annonçait fièrement qu'elle avait décidé de consacrer son SNMG2 à la lutte contre la piraterie, et qu'ils venaient de franchir le Canal de Suez. Aussitôt dit, aussitôt fait donc. En réalité, le SNMG2 avait déjà programmé une visite de plusieurs ports dans le cadre de l'initiative d'Istanbul. Et profitant de son passage dans la région, il entendait montrer sa vigilance sur la question de la piraterie - qui devient de plus en plus médiatique. Quoi de plus normal que de demander aux navires dans la zone une vigilance renforcée. C'est d'ailleurs le rôle de tout navire de guerre dans une zone dangereuse. Selon la Convention de Montego Bay, en effet, seuls les navires de guerre (ou les navires affectés par les services publics) ont le droit de lutter contre la piraterie.

Ceci confirme donc ma précédente analyse. L'opération de l'Otan s'apparente davantage à un "marquage médiatique" qu'à une opération dans la lutte contre la piraterie. Mais on peut aussi se poser d'autres questions :  Quelle est l'efficacité de lancer une mission si on ne peut arrêter et traduire en justice les présumés criminels ? On ne va pas réinventer un Guantanamo bis tout de même ? L'opération militaire de l'Otan a-t-elle une légitimité juridique ? Plus généralement, y-t-a-il un pilote démocratique et juridique derrière les opérations de l'Otan ? A suivre...

Mise à jour : le secrétaire général de l'Otan a annoncé - lundi matin - lors d'un point de presse avec Javier Solana, qu'un des bateaux de l'Otan avait escorté "avec succès" vers un port somalien un navire contenant du matériel pour l'Amisom, la mission de maintien de la paix de l'Union africaine en Somalie.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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