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Géorgie-Russie. Les modalités de la discussion de Genève


(B2) Les négociations qui vont s'ouvrir à Genève le 15 octobre entre Géorgiens et Russes sont une « "discussion" pas une conférence. C'est le terme choisi dans l’accord de cessez le feu qui met fin aux opérations militaires » a expliqué un haut diplomate européen. La différence est importante : « Ce n'est pas une rencontre en une fois. Mais le début d’un processus, en vue de régler les problèmes sur le terrain ». Le but n'est pas « d'imposer un schéma mais permettre aux parties de s'exprimer, faciliter la discussion et des engagements pour régler les problèmes les plus urgents ».

Une réunion toutes les deux semaines

La réunion devrait commencer la veille (le 14 octobre) par un dîner donné par le ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, au nom de l'UE, avec les deux parties, et les coprésidents (Alexander Stubb, pour l'OSCE, et Ban Ki Moon, pour l'ONU). Elle se poursuivra par une première réunion plénière le 15, au Palais des Nations de Genève.

Les deux points à l'ordre du jour

« Il n'y a pas d'ordre du jour précis » pour ces premières réunions. « L'idée est de se mettre au travail, entre les parties, quelques semaines après une confrontation ». Mais ce qui est en discussion, ce sont les « deux points prévus par l'accord de cessez-le-feu : la stabilité sur le terrain, et la situation des personnes et réfugiés ». Mais on a déjà un ordre d'idée des questions à résoudre. 1. Sur la stabilité, « il faut prévoir une procédure, un code de conduite, (une hiérarchie des décisions), voir ce qu'on peut régler sur place ou ce qui peut être à un autre niveau. » 2. Pour les réfugiés. « Il faut faciliter le retour à la vie civile normale, la circulation biens et personnes », etc. Il y a des points où il faut aller vite. « L’hiver vient, nous sommes en région de montagne, et il y a encore des gens sur les tentes. »

Aller vite et être concret

Notre volonté est de « poursuivre un rythme soutenu d'aller assez vite. Une réunion devrait avoir lieu toutes les deux semaines » explique ce diplomate. « Nous voulons garder le même tempo, le même rythme pour éviter l'enlisement sur le terrain qui puisse aggraver la sécurité et provoquer une situation incontrôlable » pour avoir un « retour aussi rapide que possible à la normale sur le terrain ». « Des questions majeures doivent aussi être abordées » dont certaines « remontent à la Géorgie au début de son indépendance, depuis août mais aussi de la situation depuis 1992 ». Le statut des territoires sera abordé sans doute. Mais dans un second temps. « Si on commence par là, on n'arrivera à rien. Il faut une approche bottom up » (du bas vers le haut). Des problèmes concrets aux problèmes plus sensibles, plus politiques.

Participation des Ossètes et Abkhazes aux groupes de travail

La discussion se passera en session formelle en plénière et dans deux groupes de travail : un sur la stabilité (questions de sécurité), l'autre sur les réfugiés et déplacés (questions humanitaires et de vie courante). Les Ossètes et Abkhazes ne seront pas présents en plénière mais bien présents dans les gropes de travail. Dans ces groupes, le principe est de « prendre en cause toutes les parties », de façon informelle, « pour aborder les problèmes concrets, avec tous ceux que çà concerne » explique notre haut diplomate. Ainsi autour de la table il n'y aura « pas de nom de l'entité représentée, juste le nom de la personne. Ce sont des artifices diplomatiques, certes — reconnait notre interlocuteur. Mais ces artifices sont utilisés par les diplomates depuis des siècles, et sans cela on n’arrêterait pas de se faire la guerre. »

Un trio d'Européens à la présidence de la plénière

La plénière aura un fonctionnement plus formel, avec identification des personnes par entités - sous entendus sans représentation officielle des Ossètes et Abkhazes. Elle sera coprésidée par les trois organisations présentes dans la région - l'UE, l'ONU et l'OSCE, les « trois institutions ont, en commun, d'avoir des observateurs sur le terrain, l'expérience du concret ». De fait, cependant, ce sera surtout un trio d'Européens qui sera aux commandes : respectivement,  le Français Pierre Morel (UE / EUMM), ancien ambassadeur à Moscou représentant spécial en Asie Centrale ; le Belge Johan Verbeke (MONUG), diplomate belge ancien chef de cabinet de la ministre Neyts, au Liban et à l'Onu ; la Finlandaise, Terhi Hakala, diplomate, ancienne chef du secteur Europe de l'Est-Asie centrale à Helsinki (OSCE). Outre la coprésidence, les Russes, Géorgiens et Américains (sans doute Daniel Fried, le sous-secrétaire d'Etat US à l'Europe) seront là.

Va et vient entre plénière et groupes de travail

Entre la plénière et les groupes de travail, il y aura un « va-et-vient. On travaille ainsi à plusieurs étages. » Ces principes ont été « acceptés par tous ». Aux plénières chaque délégation siégeront les représentants spéciaux ou vice ministres, selon le principe 1+3 (1 représentant et 3 conseillers). Dans les groupes de travail siégeront plutôt des experts, selon le principe 1+5 (1 représentant, 5 conseillers).

Pas de changement de format de la mission d'observation EUMM Georgia

Répondant à certains propos des Russes, le diplomate a dénié tout projet d'armer les observateurs européens. « Une approche a été arrêtée par l’UE. Elle assume entièrement les engagements pris. Elle le fait avec ses moyens et son expérience. »

La conception européenne, l'expérience...

Il y a deux conceptions « une conception militaire territoriale du contrôle d’une zone, cette approche existe (mais) l’approche européenne est différente, c'est une approche d’accompagnement au retour à la vie civile en misant sur le civil ». Et d'ajouter : « nos observateurs ont des expériences multiples : à Pristina, Beyrouth, Aceh, Skopje... je ne dis pas pas automatiquement qu'elle est meilleure que d’autres méthodes, mais c’est notre conception » de l'intervention européenne, a-t-il ajouté.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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