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Entre l’Otan et l’Ue, un nouvel accord est nécessaire

(B2)L'opération montée par l'Otan dans la lutte contre la piraterie au large de la Somalie pose nombre de problèmes auxquelles l'organisation euro-atlantique est, pour l'instant, dans l'incapacité de répondre, alors que l'Union européenne est en train d'échaffauder des solutions. Au-delà de cela, il faut se poser la question de la coopération entre les deux organisations qui nécessite une sérieuse rénovation.

I. La difficulté de la mission n'est pas d'ordre militaire mais juridique

La régularité des mesures de police internationale ? De façon générale, on peut avoir un doute sur la régularité des mesures engagées par l'Otan dans ce type d'opération qui s'apparente davantage à une opération de police internationale qu'à une opération militaire classique. Une résolution du Conseil de sécurité de l'ONU ne suffit pas en effet pour modifier la règle pénale et le respect des droits fondamentaux (droits de la défense...) en usage dans tous les pays européens. S'il en fallait une preuve récente, il suffit de lire l'arrêt Kadi de la la Cour de justice européenne (qui a annulé les listes anti-terroristes pour non-respect des droits de la défense). Faute d'une incrimination, prévue dans le code pénal, ou dans le droit européen, de respect des droits fondamentaux, il y a fort à parier que l'arrestation des pirates ne durera que que quelques heures... C'est toute la difficulté de l'opération d'ailleurs. Difficultés sur lesquelles planchent depuis plusieurs semaines (même plusieurs mois), les juristes et diplomates de l'Union européenne. Qui ne sont pas encore tout à fait résolues, si j'en crois mes informations. Mais apparemment, ces questions qui posent problème à l'UE n'en posent aucun à l'Otan.

Le risque des arrestations sans procédure ? A quoi sert d'arrêter des pirates si on est obligés de les relâcher tout de suite ? Et, juste de les remettre à l'autorité judiciaire de leur pays (la Somalie), en espérant que celle-ci pourra les traduire. Et surtout qu'aucun vice de procédure ne viendra entacher l'arrestation. Car on n'a pas de mandat d'arrêt, pas de législation applicable ou que les règles de procédure (passage devant un juge d'instruction) ne peuvent être respectées. Au bout de quelques actions de ce genre, l'effet dissuasif risque d'être largement atténué. De plus, rien n'empêcherait ces pirates, dotés d'un bon avocat, d'attaquer l'Etat du pavillon responsable pour demander des dommages et intérêts pour arrestation arbitraire, comme le prévoit le droit de la mer.

Le culte du secret dangereux pour l'opération ? L'Otan ne peut prétexter le secret militaire pour ne pas communiquer sur ces questions qui relèvent de la protection des droits de l'homme. Ce n'est pas une question uniquement de principe. C'est une question de validité de l'acte d'arrestation donc de l'opération militaire. L'Otan doit donc publier tous les textes lui permettant d'agir dans la zone, ou communiquer ses règles d'engagement juridique. Comme le fait l'Union européenne lors d'une opération : l'action commune, l'accord avec l'Etat concerné sont publiés au Journal officiel (généralement, dans toutes les langues, et non uniquement en anglais ou français).

II La recherche d'une nouvelle complémentarité est nécessaire

Berlin Plus ne suffit plus.
Dans cette opération, on le voit bien, c'est l'Union européenne - qui par sa force d'intégration juridique - et sa compétence multiple - à la fois en matière de fabrication des normes et de contrôle des droits de l'homme - qui est leader. L'Otan ne faisant - en fait - que contribuer en mettant quelques moyens militaires pour une durée limitée. L'Otan patit de sa structure intergouvernementale, sans instrument de droit à sa disposition.  doit se reposer ainsi sur la structure de l'UE comme dans d'autres opérations (Althea en Bosnie par exemple), l'Ue se repose sur l'Otan pour certaines tâches de commandement. De fait si dans ce cas il y a un accord qui régente la coopération (Berlin Plus), dans le premier cas, il n'y a rien.

Un nouvel accord ? Il faudra inventer un "Bruxelles Plus" précisant notamment que les conditions dans lesquelles l'Otan met ses moyens à disposition de l'UE et respecte les "règles d'engagement juridique". Ce sera sans doute "dur à avaler" pour l'organisation Euro-Atlantique mais c'est la condition sine qua none pour le respect des droits comme pour l'efficacité.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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