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Mission européenne en Géorgie: dans quelle zone d’action ?

(B2) Jusqu'où sera possible de déployer une mission européenne ? Pour cela il faut regarder la réalité.

1° En Géorgie, il y a actuellement quatre limites territoriales:
— l'une, fixée par le droit international (Géorgie intégrale) ;
— la seconde, fixée par la réalité du terrain, en vigueur avant le 7 août : la Géorgie sans l'Ossétie et l'Abkhazie, autonomes de fait depuis 1992, conservant dans ces régions une présence limitée ("forces de paix" en Ossétie) ;
— la troisième, politique : la Géorgie sans l'Ossétie et l'Abkhazie qui ont déclaré leur indépendance, reconnue par Moscou (mais pas par Tbilissi) ;
— la quatrième, militaire, celle actuelle : la Géorgie sans l'Ossétie et l'Abkhazie, et sans une bande de plusieurs kilomètres autour de ces deux régions.

2° Que dit l'
accord signé entre la troïka européenne et le président russe Medvedev ?

Les troupes se retirent tant des postes d'observation en Géorgie (Tsenaki à Poti) - ce qui est en train d'être fait - et des "zones adjacentes à l'Ossétie du Sud et à l'Abkhazie".

Les observateurs de l'Onu - MONUG (en Abkhazie), de l'OsCE (en Ossétie) peuvent exercer leur mandat dans leurs zones, selon les mêmes effectifs et même schéma de déploiement qu'au 7 août - autrement dit sans effectifs supplémentaires, à moins que l'ONU d'un côté, l'OSCE de l'autre n'en décident autrement. Et on connait les difficultés qui sont rencontrées dans ces deux organisations : difficulté à mettre au point une résolution au Conseil de sécurité de l'ONU avec les Russes et difficulté à définir les modalités de déploiement des 72 observateurs militaires supplémentaires de l'OSCE. Si l'OSCE a en effet décidé, le 19 août, le principe d'envoi de 100 observateurs au total, seuls 28 ont été déployés en réalité : les 8 d'origine et 20 supplémentaires. Pour les 72 autres, il faut encore une décision (lire la décision OSCE).

Des observateurs internationaux, dont « au moins 200 de l'UE », sont autorisés à se déployer dans les « zones adjacentes » en même temps que le retrait des Russes. C'est le sens de la mission EUMM Géorgie, qui devrait comprendre environ 240 personnes (200 observateurs et 40 à l'Etat-Major).

Une vocation n'est qu'un désir

Il faut remarquer que dans ces textes, il n'est jamais question d'un déploiement de ces observateurs en Ossétie du Sud et en Abkhazie, mais seulement dans les zones autour de ces régions, la fameuse 'zone de sécurité' (buffer zone en anglais). Autant dire que la « vocation à œuvrer dans toute la Géorgie » de la mission de l'UE - comme l'a exprimé Javier Solana, lors de la réunion au Parlement européen, à Bruxelles, de la commission des affaires extérieures, n'est bien qu'une "vocation" et ne repose sur aucun texte signé avec les Russes. (On n'est pas diplomate en chef pour rien !). Vocation selon le dictionnaire est soit un "appel de Dieu" ou une "destination naturelle, un penchant"...

Les Européens piégés

Pour ce qui est de la présence dans ces deux provinces séparatistes, dont l’indépendance a été reconnue par la Russie, c’est donc l’inconnu. La question a été renvoyée aux négociations internationales qui doivent s’ouvrir à Genève, le 15 octobre, entre toutes les parties intéressées. De fait, les Européens sont piégés. Si la mission ne se déploie pas dans ces zones, ils reconnaissent de facto cette nouvelle frontière. Si la mission veut se déployer dans ces zones, il leur faudra reconnaître, de façon plus ou moins formelle, les autorités de ces deux régions en signant avec elles un accord ou au moins en acceptant qu'ils participent à la négociation. C'est le sens de la prochaine carte que pourrait jouer la Russie en se dégageant sur les Ossètes ou les Abkhazes pour la présence des Observateurs dans ces deux régions (lire aussi le coup d'échec des Russes).

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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