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Géorgie. Comment a été élaboré le plan de paix. Alexander Stubb

(B2) Alexander Stubb, le Ministre finlandais des Affaires étrangères (et ancien député européen), a confié à des journalistes finlandais, du Helsingin Sanomat, son récit des négociations. Ajouté à des confidences de diplomates (finlandais), cela donne un autre ton, un autre angle des négociations que celles entendues, en France notamment. Intéressant.

C'était une expérience "un peu surréaliste" confie-t-il. "Une totale improvisation. Il n'y avait pas de plan". Sur son blog, qu'il a continué de tenir (même en tant que ministre des Affaires étrangères), il écrit le jeudi avant la crise : "je crains le pire". Le pire s'étant réalisé... le ministre interrompt ses vacances en Sardaigne et rentre à Helsinki. Mais , là, gros problème. Le président de l'OSCE en exercice n'a aucun moyen pour se rendre sur place. "Pour des raisons incompréhensibles, l'Etat Finlandais n'avait pas d'avion disponible". Et aucune compagnie n'était prête "à assurer un avion de location pour Tbilissi". Prosaïquement, le ministre se tourne alors vers la France: "J'avais un mandat (en tant que président de l'Osce), ils avaient des avions". Paris où "on commençait lentement à comprendre que la crise nécessitait un voyage en Géorgie", commente ironiquement le journaliste, reflétant les propos de la diplomatie finnoise.


Le fameux plan de paix nait dans l'avion
Dans l'avion qui relie Paris à Tbilissi, Stubb, ébauche un plan comprenant plusieurs points, à commencer par l'accès humanitaire, un retrait mutuel et un dialogue au sein des organisations internationales. C'est celui qui va servir de base à la discussion ensuite. A l'arrivée, ils rencontrent le président géorgien, pour un diner en pleine nuit, sur la terrasse. La surprise continue : le président géorgien propose en pleine nuit aux deux européens un voyage à Gori. Les deux Ministres proposent de remettre cela au lendemain. L'impression qu'a Stubb, à ce moment, est que les Géorgiens ont quelque peu improvisé ce conflit et que rien n'est planifié. Même au plus fort du feu, le président géorgien préparait son voyage pour Pékin aux Jeux olympiques !

Un président géorgien, un peu fantasque, signe un plan de paix en 4 points
Le lundi matin (11 août), les Européens ont en main un papier proposant une démarche de paix (un "non paper" en jargon diplomatique), élaboré à l'ambassade de France, à partir du plan Stubb, amélioré avec l’aide des "diplomates finlandais qui connaissaient la situation sur place" et des diplomates français. La Ministre des Affaires étrangères géorgienne, Eke Tkeshelashvili, l'approuve. Mais gros hic : Saakashvili est introuvable, la Ministre ne sait pas où elle est. Finalement, on localise le Président géorgien à son bureau. Et il signe le plan de paix en quatre points. Celui-ci comporte des références à l'intégrité territoriale de la Géorgie et l’obligation de retrait des troupes russes (notions qui seront amoindries dans le plan finalement signé).

Stubb fausse compagnie à Kouchner...
Stubb voulait aller à Moscou immédiatement pour continuer la négociation. Mais Bernard Kouchner a d'autres projets: il voulait "être au contact de la population". Résultat, tout le monde va à Gori. Et là devant les caméras, on sort un corps accompagné d’un médecin et d’un religieux, pour l'occasion. De la « propagande de guerre » selon Stubb. Un mot qui revient souvent dans sa bouche. Le ministre finlandais décide, finalement, lundi soir, de fausser la route à son compagnon de voyage et de rejoindre Moscou, via Erevan et la route. Il arrive dans la capitale russe, mardi matin (12 août)... en même temps que Kouchner. Mais celui-ci ne veut pas participer à des négociations avec son homologue russe, Lavrov. Stubb ne retrouvera son homologue français que le mercredi matin, à Bruxelles, lors du Conseil des ministres des Affaires étrangères.

...Mais à Moscou c'est Sarkozy qui négocie avec Medvedev


Le président français avait "pris les choses en main", explique Stubb. "Nous n’avions rien contre" poursuit-il. Mais à ce moment, le Finlandais est exclu des négociations. Il rencontre quand même Lavrov qui lui explique, lors du déjeuner, que Medvedev (le président russe) va bientot annoncer un cessez-le-feu. Contrairement à Tbilissi, à Moscou, les dirigeants avaient des plans bien au point, commentent les Finlandais.

...les Russes avaient, eux un plan, bien préparé
Poutine s'était invité à la négociation avec le président Français (le Premier ministre russe dispose toujours à la Chancellerie présidentielle d'un bureau, fort d'une cinquantaine de personnes, chargé des affaires étrangères). Et un cinquième point apparut - les fameuses "mesures additionnelles de sécurité" - qui donne en fait aux Russes une marge de manoeuvre en Géorgie au nom du "maintien de la paix".

Lire l'article du HI (en anglais)

(NGV)

NB : le ministre finlandais est reparti le 21 aout à Tbilissi avec les deux premiers observateurs militaires OSCE de renfort.

Crédit photo : blog Stubb "Kouchner et Stubb à l'arrivée à Tbilissi" - Elysée "Sarkozy et Medvedev le 12 août.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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