B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages

Analyse BlogDéfense UE (Doctrine)

L’Europe plus vulnérable qu’en 1990, selon le Livre blanc (français)

(B2) Plutôt pessimiste, le Livre blanc (français) sur la défense, publié en juin, évalue les menaces auxquelles doit faire face la France et l'Europe. Il considère ainsi que « La population et le territoire européens sont aujourd’hui plus vulnérables que dans les années 1990, c’est-à-dire davantage exposés à des menaces directes ».

Parmi les vulnérabilités nouvelles, il cite :

• Le terrorisme. Le djihadisme reste l’une des « principales menaces contre l’Europe et ses ressortissants dans le monde ». Outre les explosifs, et les attentats suicides, « une action d’urgence est nécessaire » face au risque d’utilisation d’armes non conventionnelles même rudimentaires.

• La menace des missiles. D’ici 2025, l’Europe se trouvera à portée de nouvelles capacités balistiques, donnée nouvelle à laquelle il faut se préparer ».

• Les attaques contre les systèmes d’information. Le potentiel très élevé de déstabilisation de la vie courante, de paralysie de réseaux critiques implique « une attention nouvelle pour le renforcement des défenses (comme) pour les capacités de rétorsion ».

• L’espionnage et les stratégies d’influence. Des manœuvres visant à « obtenir des informations protégées sur notre stratégie de sécurité, notre diplomatie, nos technologies civiles et militaires » ou de désinformation générale visant l’affaiblissement d’une entreprise ou d’une personne, pouvant atteindre des communautés étrangères, la poursuite des échanges mondialisés sont propices à des activités de renseignement offensif comme au développement de stratégies d’influence destinées à amoindrir notre rôle dans le monde ». ces risques imposent de développer des capacités de « contre-ingérence mais aussi de puissance douce reposant notamment sur la présence dans les médias et internet ».

• Les grands trafics criminels. Les organisations criminelles telles que les cartels de la drogue disposent désormais de moyens financiers et logistiques comparables à ceux de certains États (700 à 1 000 milliards de dollars par an selon le FMI).

• Les nouveaux risques naturels et sanitaires, « susceptibles d’engendrer une désorganisation des échanges économiques » et des risques technologiques accrus (urbanisation et évolution démographique).

• L’exposition des ressortissants à l’étranger. L’évolution des communautés françaises et européennes à l’étranger, leur nouvelle répartition géographique et l’instabilité de certains pays hôtes les rendent plus vulnérables aux risques, notamment sanitaires, et aux agressions (terroristes ou autres).

Le Livre blanc mentionne aussi plusieurs "tendances inquiétantes" :

Les revers de la mondialisation. « La mondialisation va de pair, paradoxalement, avec une montée des nationalismes, du fanatisme religieux, ou des réactions de reprise en main autoritaires ». Elle nourrit aussi des  inégalités économiques et sociales flagrantes. La croissance économique de nouvelles puissances engendre le développement de la consommation d’énergie. Simultanément les technologies permettant la fabrication de missiles (balistiques, croisière) ou de drones se sont largement diffusées. (...) L’accélération de la circulation de l’information et avec elle du rythme de l’action dans tous les domaines rend infiniment plus complexe la gestion de ces crises » (…) l’immédiateté qu’ils engendrent entraîne la diffusion rapide de toutes les formes de crises, politiques, économiques et financières."

• L’évolution des formes de violence : le terrorisme a changé d’échelle le 11 septembre 2001. « (Il) est devenu capable de frapper au coeur de tous les pays, à une échelle de violence sans précédent, avec un degré de préparation internationale et d’intensité dans l’action jamais atteint auparavant par des groupes terroristes ». Par ailleurs, la privatisation de la violence armée se développe. « Parallèlement à la généralisation du phénomène des milices dans les États plus fragiles, des sociétés militaires privées se créent en marge ou aux côtés des forces régulières ».

• L’augmentation des dépenses militaires dans le monde. De 867 milliards de $ en 1998, elles ont atteint 1204 milliards en 2006 (soit le niveau du début 1990). Un accroissement dû en grande-partie à l’augmentation des dépenses aux Etats-Unis mais aussi en Asie du sud (Chine, Inde). L’Europe est, avec l’Amérique du Sud, le continent qui a le moins augmenté ses dépenses en proportion (le Royaume-Uni étant le principal facteur d’augmentation).

• Les grandes crises non résolues. Balkans mis à part, « Une géographie conflictuelle majeure se dessine, depuis la Méditerranée orientale jusqu’à l’Inde ». Au Moyen-Orient, il existe quatre sources de conflit : Israël-Palestine, Liban (Syrie-Iran), Irak, Iran. Les opérations se prolongent en Afghanistan, créant le sentiment que la puissance occidentale est exposée et vulnérable ». La situation au Pakistan apparaît de plus en plus fragile. Sur le continent africain subsistent de nombreux conflits et des situations de guérilla : corne de l’Afrique, région des Grands Lacs ou espace sahélien. En Asie, des risques de conflits non résolus, liés à l’Histoire, sont susceptibles de porter atteinte à grande échelle, s’ils ne sont pas prévenus, à la sécurité internationale : Corée, Taiwan et Cachemire.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®