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La disponibilité des avions C-130 britanniques devient critique

(BRUXELLES2) Le rapport que vient de publier l’Office national d’audit britannique (NAO), et remis à la Chambre des communes, outre-manche, est un sévère avertissement pour la Royal Air Force (RAF). La flotte des avions Hercules C-130
— qui assure les liaisons tactiques (sur le terrain) comme stratégique (base-terrain) — présente des « risques significatifs de disponibilité et de capacité ».

Des risques aggravés si le nouvel avion A400M continue d’accumuler des retards. La période critique se situe entre 2011 et 2013. Le rapport préconise donc certaines mesures à prendre rapidement d’autant que la « demande en opération devrait rester à un niveau élevé ». A la lecture du rapport, on comprend mieux pourquoi il était totalement impossible aux Britanniques de fournir des capacités aériennes pour l’Eufor Tchad et leur empressement à quitter l’Irak.

Depuis plusieurs années, le nombre d’avions disponibles diminue régulièrement

Il diminue sous l’effet combiné du retrait programmé des Hercules C-130K (plus anciens, acquis en 1967), des pertes en opérations (4 avions perdus entre 2005 et 2007, en Irak et Afghanistan) et de l’usure accélérée. Les Hercules C-130J (plus récents, datant de 1999), ne suffisent pas à compenser. De 51 avions en 2001, la flotte de la RAF est ainsi passée à 43 avions disponibles (24 C-130 J et 19 C-130K), et devrait atteindre 38 fin 2008 et 33 à l’horizon 2010 ! L’engagement des Hercules en Iraq et Afghanistan « excède ce qui était prévu » reconnaît le Département de la Défense britannique, La disponibilité en opération reste cependant élevée — 94% pour les C-130K (contre 75% au Royaume-Uni) et 85% pour les C-130J (contre 72%) — grâce à l’engagement à 100% des personnels de maintenance et une certaine souplesse dans l’appréciation des défauts. « Un avion déployé reste disponible avec un défaut mineur s’il n’est pas considéré comme posant un risque pour la sécurité » mentionne la NEO. Mais c’est au prix d’une usure accélérée des matériels.

Les conditions d’emploi en opération diffèrent, en effet, de celles prévues lors de l’acquisition

Le nombre de sorties augmente, la durée de vol diminue. 70% des vols sont ainsi de courte durée (moins de 2 heures) au lieu des 14% prévus et seulement 3% sont de longue durée (plus de cinq heures) au lieu des 28% comme anticipé. Ainsi, là où un vol, avant 2003, durait trois heures en moyenne, il dure maintenant 1 heure 30. Le nombre de décollages et d’atterrissages a donc doublé. La charge augmente également : la flotte Hercules a emmené une moyenne de 123 tonnes de marchandises par mois depuis juillet 2007 contre 21 tonnes par mois pour la même période à partir de juillet 2006.

Résultat. La fatigue des matériels et des pilotes

L’usure des matériels est rapide, la fatigue se concentrant sur les ailes. Le coût de remise en état a d’ailleurs contraint le département de Défense à retirer 9 Hercules C-130K, plus tôt que prévu. Sur les neuf restants après 2008, cinq d’entre eux ont leurs ailes centrales remplacées pour assurer leur capacité jusqu’à 2012 (coût 15,3 millions £). Sur les C-130J, certains travaux vont être nécessaires à partir de 2012, pour leur permettre d’atteindre 2030. Les pilotes sont aussi soumis à rude épreuve. Là où un pilote vole 13 heures normalement, il vole 60 heures par mois en moyenne en opération.

Autre phénomène : le manque de pièces disponibles allonge les temps d’indisponibilité. En moyenne, un Hercules C-130J est indisponible 24 jours par an. Si la « cannibalisation » — prise de pièces sur un matériel immobilisé — permet de pallier à certains défauts, elle a des inconvénients : heures de maintenance, pour prendre la pièce, remise en état… Le rapport pointe aussi des défauts sévères sur les pièces : « l’interface entre le Département et les systèmes logiciel Lockheed Martin (le fournisseur) est pauvre ».

Conséquences

Certaines missions au Royaume-Uni — formation, transport non opérationnel —ne peuvent plus être assurées. Et le budget explose. Les coûts de fonctionnement et d’entretien de la flotte des C-130 sont passés de 212 millions de £ (2002-2003) à 245 millions de £ (2007-2008), sur un coût global de transport de 983 millions £. Le recours à des moyens européens en pool est aussi proche de la limite d’utilisation (voir encadré).

Mesures à prendre

Des décisions d’investissement ont été prises. Le Département a pris la décision d’équipement de deux C-17 supplémentaires (la RAF dispose aujourd’hui de 5 C-17 : un en propriété, quatre loués et achetés en 2008). Solution utile en partie. Ces avions plus lourds, peuvent atterrir, en théorie, sur la piste de Camp Bastion dans le sud de l’Afghanistan. Mais pas ailleurs. Le département souhaiterait aussi acquérir des C-130J (37 millions £).

D’autres solutions existent — location d’Hercules ou équivalents auprès d’autres nations ou affrètement d’avions — mais les coûts ou les restrictions d’emploi (charter) sont telles que « cette option n’est pas toujours réaliste et abordable », souligne le rapport. Il préconise donc une série de mesures alternatives : améliorer la disponibilité des pièces détachées (+ 168 jours/avions par an), augmenter le personnel de maintenance (+ 300 jours / avions par an), étudier la remise en état des C-130K ou des acquisitions (achat ou affrètement pour maintenir les bases outre-mer), et diverses solutions techniques (nouvelle piste tous temps, amélioration du système de gestion du planning, évaluation du coût de changement des ailes,…) ainsi que l’achat de simulateurs de vols pour la formation.

Explication - le pool des C-17

Les forces au sein de l’Otan ont mis au point un système, géré par le Centre de contrôle des mouvements Europe, fonctionnant comme une bourse entre 15 Pays (Belgique, Canada, Danemark, France, Allemagne, Hongrie, Italie, Lettonie, Pays-Bas, Norvège, Slovénie, Espagne, Suède, Turquie, Royaume-Uni). Chaque nation participante dispose d’un crédit ou débit jusqu’à 500 heures, d’heures de vol sur trois ans. L’unité est l’heure de vol d’Hercules (exemple : une heure de C-17 équivaut à 7 heures de vol d’un Hercules). Le Royaume-Uni qui a été un contributeur net du système de crédit horaire, dans le passé (capacités de ravitaillement en vol ou de transport stratégique) utilise désormais plus d’heures qu’il ne fournit : 3407 heures utilisées en 2007 contre 3162 heures, soit un solde négatif de 245 heures.

Crédit photos : Raf (Hercules J et K)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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