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EUFOR Tchad aux prises à de nouvelles attaques au Tchad

(BRUXELLES2) Les forces européennes de l’Eufor au Tchad sont actuellement confrontées dans leur zone d’action, à l’est du pays, à des mouvements de forces rebelles contre les forces gouvernementales. La première attaque a eu lieu, samedi 14 juin, sur Goz Beïda, où est basé un contingent irlandais. Des échanges de feux ont eu lieu. Aucun soldat européen n’a été blessé. « Eufor a immédiatement renforcé son engagement et les camps de réfugiés et de personnes déplacées et envoyé des éléments de reconnaissance sur terre et air pour surveiller la situation pour assurer la protection des camps », explique un communiqué de l’Eufor. « Un certain nombre de personnel humanitaire a été évacué, à leur demande, par les véhicules néerlandais, et mis à l’abri dans le camp Eufor de Goz Beïda ».

Les rebelles ont ensuite foncé, dimanche, sur Am-Dam, à 120 km au sud-ouest d'Abéché, puis vers Biltine, lundi (à 100 km au nord d’Abéché) et atteint Am Zoer (au nord est d’Abéché), mardi matin. Mais jamais rester dans les villes, qui « n’abritent pas vraiment de garnison de l’armée tchadienne » souligne-t-on sur place.

UN REZZOU REBELLE

« L’objectif des rebelles n’est pas pour l’instant de garder des villes » a confirmé à l’AFP, Ali Gueddei, porte-parole de l'Alliance nationale. « Actuellement, notre tactique est d'étirer les troupes gouvernementales. Ce sont de véritables courses-poursuites », a ajouté Abderaman Koulamallah, un autre leader rebelle. Un « rezzou » comme on nomme ces attaques, menées à l’aide de pick-up, qui sont rapides, très mobiles, sans opposer de véritable front. Ce qui n’est pas sans poser problème pour la sécurité dans la région.

Même s’il survient au début de la saison des pluies, moment peu propice pour une attaque d’importance, ce mouvement ne semble cependant pas une surprise pour les acteurs sur le terrain. « Nous étions prévenus un jour avant » explique l’un d’eux. Et tout ceci semble être – pour l’instant – « davantage une réelle médiatisation », estime-t-on sur place, qu’une « réelle action militaire de conquête », notamment vers la capitale N’Djamena.

CONDAMNATION DE L’ONU

Au plan diplomatique, l'Union Africaine mais surtout le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné l'offensive en cours et agité la menace de sanctions contre les rebelles. Nous sommes "prêts à envisager des mesures appropriées contre les groupes ou les individus qui constituent une menace pour la stabilité de la région". Une condamnation partagée par les Européens. « Nous condamnons toute action des rebelles » explique-t-on chez le Haut représentant pour la politique extérieure.

DEBY MENE LA POLEMIQUE

Du coté gouvernemental, le président tchadien, Idriss Déby, a d’abord accusé lundi soir les soldats européens de l’Eufor de "fermer les yeux" sur les meurtres de civils et de réfugiés tués par les rebelles opérant dans l'Est ». « Quelle ne fut notre surprise de voir, dès la première épreuve hostile, cette force coopérer plutôt avec les envahisseurs, laissant emporter les véhicules des humanitaires, incendier leurs stocks de vivres et de carburant et fermant les yeux devant le massacre programmé des populations civiles et des réfugiés", a-t-il ajouté selon les propos rapportés par les agences de presse (AFP et Reuters). Avant de, mardi, rejeter toute faute sur « l’armée soudanaise » accusée d’avoir attaqué la garnison d’Adé, ville frontière, du coté Tchadien.

Chez Javier Solana, Haut représentant pour la politique extérieure et de défense, la prudence règne et on se refuse à polémiquer. Les « contacts réguliers entre diplomates tchadiens et européens n’ont pas permis de confirmer les déclarations relatées dans les dépêches » explique Cristina Galach, porte-parole de Solana.

(paru dans Europolitique, juin 2008)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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