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Brève blog

Accès aux services bancaires, la Commission pas avare de contradiction

(B2) Curieuse étude qu'a présentée, le 28 mai, la Commission européenne lors d'une conférence à Bruxelles sur l'accès aux services bancaires pour les plus pauvres. Qu'y apprend-on ?

Des millions d'Européens sont exclus des services bancaires. Deux adultes sur dix — dans l’Union européenne à 15 (Europe occidentale)  — ne peuvent réaliser des transactions bancaires. Environ trois sur dix n’ont pas d’économies et quatre sur dix ne disposent d’aucun crédit, bien qu’ils soient nettement moins nombreux (moins d’un sur dix) à se plaindre d’obstruction au crédit. La France est – avec les Pays-Bas – le pays avec le plus faible taux de marginalisation : 3% de la population n’est pas bancarisée et 2% est exclue des services financiers (62% et 48% en Pologne !).

La situation est pire en Europe centrale et orientale. Un tiers des citoyens des nouveaux États membres (UE-10) sont victimes d’exclusion financière, plus de la moitié d’entre eux n’ont pas de compte en banque ni d’économies et près des trois-quarts ne peuvent obtenir des crédits reconductibles.

Les pauvres, les migrants, les habitants de zones défavorisées concernées. Sont surtout concernées les personnes qui vivent sur de bas revenus sont les premières touchées. Mais le « fait de vivre dans une zone défavorisée augmente la probabilité d’exclusion financière », au même titre que le fait de vivre dans une zone rurale dans les nouveaux États membres, soulignent les auteurs de l’étude.

L
es causes sont multiples. De nombreux facteurs sont liés à l’offre et à la demande de services: banques refusant l’ouverture de comptes courants classiques à certaines catégories de personnes; manque d’accessibilité; prestations laissant à désirer et coût élevé des services. De plus, certains citoyens ne font pas confiance aux institutions financières ou craignent de perdre le contrôle de leur argent et préfèrent donc ne pas avoir recours à un compte bancaire. Certaines évolutions de la société, telles que le vieillissement de la population combiné à l’écart technologique, contribuent à renforcer l’exclusion financière.

Parmi les solutions qui permettent de réduire cette exclusion, les auteurs en mettent en évidence deux : le développement de comptes bancaires courants simples et peu coûteux par les prestataires commerciaux conventionnels ; l’action des prestataires à vocation sociale (y compris caisses d’épargne, les services postaux et autres établissements mutualistes et coopératifs) qui sont parfois les seuls à offrir ce service (France, Autriche.

Purement contradictoire. En gros, cette étude - commanditée par la Commission (la DG Emploi et la DG marché intérieur) - justifie que l'exclusivité accordée à certains réseaux de banque (moins commerciaux) est efficace dans la lutte contre l'exclusion financière. Elle contredit pleinement la décision de Neelie Kroes - de cette même Commission européenne - qui, au nom des règles de libre concurrence, a enjoint la France de supprimer le monopole sur le Livret A. Ce qui conforte notre précedente analyse.

Conclusion. Il faudra peut-être un moment recadrer les "ayatollah de la concurrence" (cette qualification n'émane pas de moi mais un membre d'un cabinet d'un commissaire!) qui ne pensent qu'à l'application pure des règles de concurrence (ce qui est justifié d'un certain point de vue) sans penser aux effets "collatéraux" de leur décision. La "concurrence" ne peut pas tout justifier, elle ne peut pas être l'objectif de politique, ce n'est qu'un moyen, confiait Nicolas Sarkozy, aux journalistes, lors d'un sommet européen.

Ce qu'ils ont dit. «Les pouvoirs publics, tant au niveau national qu’européen, doivent veiller à ce que tous les Européens puissent obtenir et utiliser normalement les services financiers dont ils ont besoin» - Vladimir Spidla, le commissaire européen pour l’Emploi et les Affaires sociales. «Les marchés qui fonctionnent bien, avec des règles claires et une forte compétition sont les moteurs importants qui assurent la promotion de l'inclusion sociale. (...) La Commission cherche l'équilibre entre l'agenda social et l'agenda économique. Ces deux agendas ne doivent pas se contredire et l'un peut stimuler l'autre » - Charlie McCreevy, commissaire au Marché intérieur et Services.

(NGV)

NB : cette étude a été menée par le Réseau Financement Alternatif (Belgique), l’université de Bristol (Royaume-Uni), l’université de Milan (Italie) et la School of Economics de Varsovie  (Pologne)

L'étude (en anglais uniquement!) se trouve sur la page inclusion financière de la Commission. Pour le résumé, ici

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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