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Eufor Tchad 1: un défi logistique avant tout

(© NGV / B2 - tous droits de reproduction réservés)

(BRUXELLES2 à N'Djamena et Abéché) Du sable, du soleil, du vent… Voici les principaux éléments dont disposent surtout les militaires de l’Eufor — la force européenne déployée au Tchad pour sécuriser la situation des quelque 400 000 réfugiés soudanais et déplacés tchadiens suite au conflit du Darfour — quand ils arrivent sur le terrain.

Au départ, en effet, il n’y a « rien ou presque rien » explique le Lieutenant-Colonel Axelos de l’opération Eufor. « Il faut faire des forages pour aller chercher l’eau, damer un camp et le stabiliser, installer un drainage, des fossés, en prévision des pluies, enterrer les conduites d’eau et de téléphone, construire des merlons pour protéger le camp », complète, voire même créer des routes comme à N’Djamena ou Abéché.

Quand les Marsouins du Régiment d'infanterie de chars de marine (RICM), complétés d’éléments du 11e régiment d’artillerie de marine (Lande d'Ouée), sont ainsi arrivés à la mi-mars, sur place à Farchana, par la route, au terme d’une « croisière noire » de plusieurs jours, les premiers moments ont été… rustiques. « La première nuit, on s’est réveillé avec plusieurs couches de poussière dans la bouche et sur le sol » raconte le Lieutenant-Colonel Faguet. Et « même aujourd’hui, les conditions restent rudimentaires », explique Faguet : « sous tentes », certaines climatisées, lavabos en plein air, et « rations de combat. « Dans chaque peloton, un homme s’est donc découvert des vertus de cuisinier et va au marché chercher de quoi améliorer l’ordinaire. ».

De vraies petites villes

« C’est simple » explique le Colonel Serge Duval, un des responsables « soutien ». « C’est un bout de désert sur lequel on doit faire pousser trois petites villes de 600 habitants et une ville de 2000 habitants, à partir de rien. Et tout doit être terminé en temps record, avant la saison des pluies en juin… », dans des conditions climatiques — la chaleur (de 35° à 50 °) et les vents de sable – et sécuritaires difficiles. Dans cette opération, la logistique est donc fondamentale. Il faut en effet tout acheminer sur place : des douches au radar en passant par les ambulances, les munitions, une partie de la nourriture et de l’eau, voire du ciment… Les militaires français de l’opération Epervier — bien implantés, sur des bases en « dur » près des aéroports de N’Djamena et Abéché — prêtent donc main forte à leurs collègues « européens ». Chaque jour, explique le Colonel Périé, commandant "Epervier" « nous devons transporter 12 tonnes de fret entre N’Djamena et Abéché » sans compter les « missions de reconnaissance par jour, avec des Mirages F1 » ou la mise en astreinte d’hélicoptères Puma pour les évacuations sanitaires.

 

Une fine comptabilité...

Reste ensuite à organiser la vie du camp tous les jours, ce qui inclut aussi une compatibilité fine! Comme il n’y a pas d’armée européenne, chaque Etat doit, en effet, normalement contribuer pour ses propres troupes. Mais pour éviter les doublons, c’est la France, là encore, qui a été désignée comme chef de file « logistique ». L’électricité, l’eau, la nourriture sont ainsi refacturées à chaque unité nationale, au prorata de l’utilisation, explique le « maire » du camp « Europa » — situé à N’Djamena dans l’enceinte de ce qui était destiné à devenir… une prison — le Lieutenant-Colonel Villuendas. Comme dans une vraie ville…

Décidée par les 27 (les 26 en fait qui participent à l'Europe de la Défense puisque le Danemark a un opt-out) Etats membres de l’Union européenne, le 15 octobre 2007, et confirmée le 28 janvier 2008, la Mission Eufor a commencé officiellement le 17 mars 2008. Elle doit durer un an. Sa mission : sur mandat de l’Onu, protéger le travail des ONGs et les 450.000 réfugiés soudanais et déplacés tchadiens ou centrafricains, à cause du conflit du Darfour voisin. 3700 soldats européens devraient être présents dans l'est du Tchad et en Centrafrique d’ici la fin juin. La France fournit la moitié des effectifs et une majeure part de la logistique. Mais une dizaine d’autres pays ont envoyé des troupes – essentiellement des pays neutres ou d’Europe de l’Est (Irlande, Pologne, Suède et Finlande, Benelux, Autriche, Roumanie, Albanie) —. Et les Russes ont promis des renforts d’hélicoptères.

© Photos : Faguet "croisière noire du Ricm", Ngv Camp Europa deN'Djamena.

NB - Pour voir un reportage en image sur les difficultés logistiques de l'opération: (source Eufor Tchad mai 2008)

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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