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Personnel navigant, marins: quand un petit mot change la donne…

(B2) Il faudra surveiller de près, le 29 novembre, le vote en plénière du Parlement européen du règlement Rome I sur les obligations contractuelles.  Sous une appelation complexe, ce règlement vise, en effet, à déterminer quelle est la loi (et donc les conditions) qui entourent les conditions d'exécution d'un contrat, de travail entre autres. Elle vise à communautariser (à faire entrer dans le droit communautaire) un instrument du droit international (la Convention de Rome I).

Explication. La convention de Rome prévoit ainsi que si les parties ont d'ordinaire le droit de choisir le droit applicable au contrat, en matière de travail, la règle est plus définie. Le contrat de travail obéit à la loi du pays "dans lequel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail" (article 6 § 2 point a). Or, entre l'original et la copie, certains ajouts sont venus "polluer" le droit originel. Dans la procédure législative, a ainsi été rajouté "par la loi du pays dans lequel ou à partir duquel le travailleur,... ". Cette phrase vise surtout les travailleurs mobiles, ceux des transports en particulier (pilotes d'avion, marins...) qui travaillent sur plusieurs lieux en revenant à leur base quelques jours ou semaines après.

Conséquences. Cet ajout présente deux difficultés. 1° Elle suscite un flou sur les conséquences. Il y aura deux critères : le lieu d'exécution habituel et le lieu à partir duquel le travailleur oeuvre. Mais quel critère va l'emporter sur l'autre ? Et qui va choisir entre ces deux critères ? L'employeur ou le salarié ?  2° Elle favorise les entreprises de transport qui cherchent souvent à s'établir dans des pays qui offrent des conditions de travail plus souples et moins chères. Si on prend l'exemple de la cie aérienne Ryanair, celle-ci pourra ainsi justifier d'offrir des contrats de travail irlandais à tous ces personnels (et non des contrats belges ou français, comme la justice ou la loi nationale l'a reconnu). De même, en matière maritime, c'est la reconnaissance ferme de la loi du pavillon, une compagnie finlandaise oeuvrant sous pavillon estonien pourra ainsi donner à ses marins des contrats estoniens  au lieu de finlandais (cf. l'affaire Viking).

Amendement. La Commission de l'Emploi du Parlement a introduit un amendement visant à supprimer cet ajout. "L'amendement vise à éviter le détachement régulier à partir d’un État membre dont le droit du travail est moins développé que dans l’État de détachement." explique le rapporteur, le suédois Jan Andersson.
(pour lire le rapport parlementaire)

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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