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Brève blog

Tests ADN pour les candidats au regroupement familial: la Commission muette

(B2) La Commission européenne n'a pas vraiment d'avis sur l'imposition de tests ADN aux candidats immigrés dans le cadre du regroupement familial. Interrogée par mes soins, elle s'est montrée très vague. Dans la directive (sur le regroupement familial), il existe la possibilité de s'assurer que "la personne candidate est bien de la même famille" a expliqué un porte-parole qui a promis de se renseigner en détail. Off, un autre fonctionnaire de la Commission ne voit pas vraiment "quel est le problème" : "c'est l'intérêt des familles" assure-t-il un brin naïf "bien souvent quand il n'y a pas de papier, la recherche ADN permet de prouver qu'il y a bien filiation."

Effectivement la situation n'est pas évidente. il suffit de lire la directive de 2003 sur le regroupement familial, pour voir que ce n'est vraiment simple. L'article 5 dit : "La demande (de regroupement familial) est accompagnée de pièces justificatives" (...) "Le cas échéant, pour obtenir la preuve de l'existence de liens familiaux, les États membres peuvent procéder à des entretiens avec le regroupant et les membres de sa famille et à toute enquête jugée nécessaire prouvant les liens familiaux".

Dans la directive, le mot ADN n'est pas mentionné. D'un coté, à voir l'enchainement des phrases et des précisions demandées, on pourrait interpréter que ceux-ci sont exclus (on détaille la procédure : pièces, entretiens, enquêtes mais pas les tests). De l'autre coté, les tests ne sont pas prohibés explicitement. Et diverses interprétations sont possibles : on peut aussi estimer que la notion d'enquête recouvre les tests.

Pour aller plus loin, il faut revenir sur la discussion législative entre 2000 et 2003. La proposition initiatle de la Commission, ainsi que la première lecture en 2000, ne mentionnent pas ces tests. Le libellé de la "demande" est d'aileurs plutôt succinct. Il sera précisé par les Ministres lors des discussions et repris dans la deuxième proposition de la Commission, mais toujours sans indiquer les tests. Les ministres de la justice et de l'intérieur tomberont d'accord les 27/28 février 2003. Le Parlement européen, consulté à nouveau en avril 2003 (voir le rapport du PE), tente bien de proposer un amendement incluant explicitement la possibilité des tests ADN justifiant que "c'est l'un des moyens les plus fiables d'enquête", cet amendement comme tous ces amendements ne seront pas pris en compte. La directive est publiée en septembre 2003. Cet aller et retour ne plaide pas vraiment en faveur des tests ADN.

Une autre question est de savoir si la demande peut être refusée si le demandeur refuse le test. Et la la réponse est précise. La demande ne peut être rejetée que "pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique." Raison appréciée de façon stricte par les tribunaux!

En fait, la Commission est gênée aux entournures. Et, comme elle l'a marqué dans un passé récent, le courage n'est pas son fort quand il s'agit de questions sensibles dans les Etats membres (cf. affaire des fichiers de la police politique en Pologne ou des prisons secrètes de la CIA en Europe). Les droits fondamentaux s'effacent alors devant la "raison d'Etat". Plus prosaïquement comme l'explique le porte-parole de José-Manuel Barroso, "la Commission est aux services des Etats membres".

Une absence de réaction d'autant plus bizarre que plusieurs chefs d'Etat (africains) notamment ont réagi négativement à cette proposition, ainsi que le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe et même plusieurs notables français - dont on ne peut soupçonner leur engagement à droite tel Charles Pasqua, l'ancien ministre de l'Intérieur (et ancien maire de Neuilly qu'il a "cédé" au jeune Nicolas S.) les anciens premier Ministre, Dominique de Villepin ou Jean-Pierre Raffarin.

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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