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WeekEnd

Sharko vedette de la Nuit Belge du Botanique

Il paraît loin le temps où, devant un parterre de fidèles, dans des plus petites salles de l’Ancienne Belgique, lieu renommé de Bruxelles, David Bartholomé, alias Sharko, jouant au ventriloque, faisait chanter sa chaussure ou finissait par finir en tenue d’Adam, ne gardant qu’un chapeau en guise feuille de vigne. Sharko a grandi. Et le public est bien présent, ce soir de mai où les averses se succèdent, bien à l’abri dans le chapiteau monté dans les jardins du Botanique, la scène majeure du Bruxelles « francophone ».

D’ailleurs, si l’on cherche à quoi peut bien servir une tente montée dehors avec un plancher de bois, posée sur des armatures de fer, on l’aura compris, au bout de trois morceaux du concert. C’est simple : à mesurer la densité de l’enthousiasme du public. Le plancher paraît ainsi flotter au gré des secousses des spectateurs qui martèlent le sol.

Les Nuits Botanique, c’est ce rendez-vous incontournable du printemps belge. Dernier moment avant les examens pour les étudiants ; première mise en bouche avant les festivals de l’été pour les amateurs. Dix jours de musique tout azimut avec des valeurs averties — tel cette année Miossec, Gotan Project, Tom Mc Rae ou Olivia Ruiz —, des découvertes du monde — Tinariwen, Tartit et Tourmast dans une nuit « touareg » —, pour finir par le must rock et pop du petit Royaume, la « Nuit belge ». Une vingtaine de groupes – Mud Flow, Sioen, Joshua… — représentant la tendance du moment. Et incontestablement, cette année, pour cette soirée qui affiche « complet », la vedette est Sharko.

Singulière revanche

Avec dix ans d’expérience derrière lui, et quatre albums à son actif — « Feuded », « Meeuws », « Sharko III » et, surtout, le petit dernier « Molecule » conçu avec le producteur de Placebo, Dimitri Tokovoï, qui l’a aidé à mûrir —, David Bartholomé n’est plus un novice de la scène. Mais ces dernières années ont été celles du passage à vide. Un passage qui faillit coûter sa vie au groupe. Des moments passés « à lutter contre la dépression, à affronter des démons jusqu’à épuisement » comme le raconte un de ses proches. Une noirceur qui se retrouve, aujourd’hui, dans les textes qui ont une autre profondeur mais sonnent aussi comme un appel du renouveau. Comme dans « No more, I give up » ou dans « Bug ». « Tu te présentes, tu dis : « salut je m’appelle machin, et j’suis qu’une merde, j’suis plein de problèmes mais quand je suis dans l’bon sens, je suis vraiment un mec bien… ». C’est tac dans ta face. Et après t’es libre de raconter tout ce que tu veux. »  explique Sharko. Ou dans « No contest ». « Au fond de mon trou, dans ma cave, c’est grâce à cette chanson-là que j’ai senti un changement d’attitude. Pendant quelques secondes, j’y ai cru, j’étais le meilleur. Comme le mec qui affirme « : j’ai beau avoir des problèmes, avoir l’esprit fragile, je suis peut-être qu’une vieille chaussette, mais au fond, là tout de suite, je suis un gars formidable ». Ou encore « No more, I give up, I give up no more ».

Plus haut, Sharko y réussit aux Nuits Botanique 2007. « Complètement porté par le public » comme le chanteur le confiera à sa sortie de scène. La prestation est résolument plus engagée que dans les précédentes apparitions. Point de place à l’improvisation, ni au dialogue avec le public. Pour le grand bonheur de tous… Le trio – avec Julien Paschal, batteur, et Teuk Henri, à la guitare — est efficace. David alterne anciens et nouveaux titres. Les standards comme « Spotlite », « President » sont particulièrement servis à point. Avec jusqu’il faut de hargne pour saisir l’espace. Et la pointe d’harmonie pour enthousiasmer le public. Au point qu’il n’hésite pas, à scander, non sans humour, « Sharko président », reprenant ainsi un des slogans de la campagne présidentielle française, très suivie en Belgique. Sharko lève les bras au ciel en signe de victoire.

Porté par le public

Sur la scène belge, on a souvent en lui la continuation du mythique groupe belge « Deus » ou du toujours vivant « Zita Swoon ». Mais ce soir-là, s’il y avait une comparaison à faire, y compris en partie au niveau physique, ce serait plutôt en digne compagnon d’Arno, celui des premiers temps, de TC Matic. La même énergie de vaincre, le même rock transpirant. Et aussi une certaine introversion… nouvelle

Sharko termine sur un ukulélé, tout seul, par un « Excellent » harmonieux… Et ne peut s’empêcher une petite foucade, quand même : s’enfuir… tout simplement par la grande sortie, celle du public. Tel un coureur de haies, apercevant l’arrivée, et fonçant un plus fort. Les spectateurs font place, ravis, pour lui permettre de maintenir la cadence… Les lumières se rallument. Les musiciens débranchent leur instrument. Concert terminé. Sharko reste toujours habité d’un peu de folie… Cela nous rassure

Nicolas Gros-Verheyde (à Bruxelles) pour RfiMusique

  1. www.sharko.be (site officiel)
  2. www.kaynoovel.be (site non officiel)
  3. album Molecule (Bang en Belgique et Pays-Bas / Discograph en France)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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