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Politique sociale

La Commission a-t-elle mis l’Europe sociale en panne ?

(B2) Deux ans et demi après la mise en place de la nouvelle Commission "Barroso", premier Bilan " à "mi-parcours".

Malgré la (ré)apparition de la thématique « sociale » dans les propos des politiques, force est de constater que les faits démentent cette impression. A mi-mandat de la Commission Barroso (intronisée en novembre 2004, son mandat va jusqu'au 31 octobre 2009), l’agenda social 2005-2010, qui n'était déjà pas très ambitieux ni audacieux pour remplir les objectifs définis au sommet européen de Lisbonne, est encore loin d'avoir rempli ces promesses. (Nb : dans le système communautaire, c'est la Commission qui a le pouvoir d'initiative législative, et elle seule. Pas de proposition de sa part = aucune proposition)
De nombreuses propositions inscrites à ce calendrier ont, pour l'instant, été repoussées. Exemples :
- la révision de la directive de 1994 sur les comités d'entreprise européens ;
- l’initiative concernant la protection des données à caractère personnel des travailleurs (prévue pour 2005) ;
- la mise à jour des directives de 2001 (transferts d'entreprise) et de 1998 (licenciements collectifs), ainsi que la codification des dispositions sur l'information et à la consultation des travailleurs ;
- des initiatives visant à favoriser encore le développement et la transparence de la responsabilité sociale des entreprises ;
- la proposition pour mettre à la disposition des partenaires sociaux un outil pour formaliser la conduite et les résultats de la négociation collective transnationale ;
- ou encore, l'organisation annuelle d'une réunion de tous les acteurs concernés sous forme de forum pour faire l'évaluation de la mise en oeuvre de l'Agenda.

Reports, retraites, gels. L’annonce de reports successifs sur certains dossiers sensibles aggrave ce sentiment d'inaction, l’exemple le plus frappant est la consultation sur l’inclusion active et les revenus minimum ; prévue en 2004-2005, son lancement s’est effectué finalement en 2006, la deuxième phase a été repoussée à fin 2007 ! Deux sujets— le statut de la mutualité européenne et celui de l’association européenne — ont été retirés dans le cadre de l'exercice « Mieux légiférer ». Quant aux différents rendez-vous fixés par les directives existantes, ils ne sont souvent pas respectés. La deuxième phase de consultations sur la directive sur le cancer n’a pas été lancée (la première s’est achevée en 2004). Le réexamen et la révision de la directive "maternité" est tombé aux oubliettes — le rapport publié en 1999 faisait alors écho de problème de définition et de droits liés au travail mais aucune action de révision n’a été engagée.

Cinq réalisations. Au chapitre des réalisations, le bilan reste faible. Certes on peut noter la mise en place d’un nouvel organisme, l’Institut pour l’égalité entre hommes et femmes, et la transformation de l’ancien Observatoire sur les phénomènes du Racisme, en Agence des droits fondamentaux, au mandat élargi à toutes les questions de discriminations. La création d’un Fonds d’ajustement à la mondialisation – vieux projet remontant à la Commission Prodi - Barnier voire aux années Delors – est un apport sans doute plus majeur, de même que l’est la décision, prise au titre des politiques de concurrence, sur les aides à certains services publics et sociaux (paquet Kroes-Monti). La poursuite de la réforme importante des règlements sur les régimes de sécurité sociale, pour discrète qu’elle soit, est aussi notable. Le dialogue social, fonctionnant au ralenti, a cependant permis de déboucher sur deux accords généraux — le stress au travail (2004) et le harcèlement (2007) — et quelques accords sectoriels (silicate…).

Célébrer plutôt que réaliser. Mais la succession d’années commémoratives s’enchaînant les unes et autres — mobilité, égalité des chances, inclusion sociale — dont la répétition efface le coté "mobilisation" et l’élévation d’une méthode de travail – la méthode ouverte de coordination – au rang d’objectif n’apparaissent pas comme un signe de dynamisme.
Et, si plusieurs communications ont été publiées (détachement des travailleurs, services sociaux d’intérêt général, services de santé, réalités sociales), leur impact est rarement concret ; elles fixent la doctrine, enclenchent la discussion mais n’ont pas d’effet juridique.

Au final... Un bilan donc très maigre au regard des enjeux vitaux pour la compétitivité (jeunesse, conciliation travail – famille, vieillissement), et des objectifs (lutte contre la pauvreté ou l'échec scolaire, formation permanente, emploi des jeunes et minorités...) rappelés régulièrement lors de chaque sommet européen

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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