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Un commissaire prend la plume pour défendre la méthode communautaire

(B2) Quand un commissaire prend la plume pour convaincre ses compatriotes, parfois rebelles aux idées européennes, le pari n’est pas gagné d’avance. Et pourtant c’est ce qu’a tenté le commissaire européen aux Transports, Jacques Barrot, qui vient de publier « L’Europe n’est pas ce que vous croyez » (Editions Albin Michel, Fondation Robert Schuman, 246 p. , 16 euros). Avec cette interpellation en bandeau « Candidats : qu’allez-vous faire de l’Europe ? », il entend apporter « une contribution au Plan D » et remettre l'Europe au centre des préoccupations des prochaines élections, présidentielles et législatives.

Le jeu des questions-réponses avec un journaliste, Baudouin Bollaert, ancien correspondant du Figaro à Bruxelles, pourrait rebuter au départ, tout comme la préface standardisée de José-Manuel Barroso décalée par rapport à l’intérêt de l’ouvrage. Mais très vite, le lecteur – même averti – se laisse prendre. Et, au travers de tous les thèmes abordés, se trace le portrait d'un homme de conviction qui défend la méthode comme l'ouvrage communautaire. « L’appartenance européenne joue souvent comme une corde de rappel. Elle évite que les discours ne se transforment en actes irréparables » estime-t-il.

Inventer des ressources

Le livre se veut d'abord pédagogique — démontrant l’intérêt de la sécurité routière, d’une interconnexion ferroviaire, de la politique de la concurrence — et ne dédaigne pas d’abandonner la langue de bois, souvent pratiquée au Berlaymont, siège de la Commission. Sur l’Euro, il n'hésite pas ainsi à « reconnaître que la monnaie unique a été accompagnée d’arrondis substantiels sur les produits et consommations d’usage courant », comme le "petit noir" (café) au comptoir, mais refuse aussi l’habituel refrain sur l’Euro-inflation. Sur le budget européen, il avoue : « j’aurai aimé avoir 20 milliards d’Euros pour les réseaux transeuropéens. (Ce budget) est insuffisant ». « l’heure est venue de doter l’Europe de ressources propres – ce peut être une fraction de l’impôt sur les sociétés ou une redevance sur les infrastructures, sur le kw/h dépensé ». Sur le modèle danois de la flexicurité, il considère que les conditions de sa réussite — syndicalisme puissant et constructif, accompagnement des chômeurs par un organisme unique, haut niveau de consensus social — ne se retrouvent pas partout en Europe, et surtout pas en France.

Balkans Oui, Turquie Non

Sur l’élargissement, J. Barrot se montre plus circonspect. Il justifie l’idée de « consulter les peuples » et ne se montre pas partisan de « l’élargissement à tout prix ». « Si clairement, la place des Balkans se situe, à terme, dans l’Union », il est réticent sur la Turquie. « Personne ne peut mesurer quel serait l’impact » d’un tel élargissement. Il se prononce plutôt pour un nouvel modèle politique « une confédération politique entre une confédération d’Asie mineure et l’Union européenne ».

(Nicolas Gros-Verheyde - paru dans Europolitique, mars 2007)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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