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Jacques Delors propose d’ajouter un nouveau protocole social au Traité

(B2) Avec Jacques Delors, on est sûr de ne jamais s’ennuyer. A 81 ans, l’ancien président de la Commission européenne garde sans doute davantage de « verdeur » que la plupart des responsables européens. Un régal… En témoigne sa prestation à Bruxelles, au comité des régions ce 28 février où il a propos d’aller plus loin vers « une nouvelle Europe sociale » Extraits….

« Le climat me semble propice, en essayant de sortir du dilemme constitutionnel, de rédiger un protocole social sage, avec des mots qui comptent, et non pas des paroles qui n’engagent pas ».

LE SOCIAL OUVRE SES OREILLES
« Alors que l’Union européenne en crise, le social semble à nouveau ouvrir les oreilles de certains. Le Conseil des ministres se préoccupe de la qualité du travail, il y a la déclaration de ces 9 Etats membres qui propose un nouvel élan à l’Europe sociale  — espérons que ça ne sera pas « parole, parole, parole… » comme le disait une chanteuse— , les ministres de l’Economie se plongent gravement— ce qui étonne de leur part — sur la question de savoir si la répartition de productivité était bonne. Cela nous change d’un discours qui veut que si les salariés mobiles et ne touchent pas trop d’argent, tout ira bien. Il me semble entendre des bruits du coté de Francfort (siège de la Banque centrale européenne), mais je dois avoir des nuits agitées ».

DES DEFIS IDENTIQUES
« Au-delà des grandes divergences entre pays, il y a des  défis identiques entre tous les Etats membres: la démographie (natalité et vieillissement), la mondialisation, les avancées technologiques, la question du welfare (pensions suffisantes, aides aux familles et à l’enfance, éducation…) ». Et aussi des « problématiques nouvelles qu’il faut aborder : la famille monoparentale et les gens seuls, l’accès aux soins, la notion de biens collectifs (« le niveau de vie de chacun ne dépend pas que du porte-monnaie mais de ces biens collectifs, ceux qu’on assure par l’impôt. En France, par exemple, le niveau de vie s’élève ainsi de 30% »), la polarisation territoriale (banlieues, ségrégation, désertification rurale), la petite enfance (des enfants pauvres font des adultes pauvres) ».

LES SIX IDEES DE DELORS A INCLURE DANS UN PROTOCOLE
1° le rééquilibrage de l’Union économique et monétaire (UEM), avec un pacte de coordination économique (comme je l’avais proposé d’ailleurs dès 1997 sans succès) « et mission donnée à la Commission européenne de faire un rapport tous les six mois sur la façon dont les Etats membres assurent la convergence » ;
2° l’harmonisation de l’impôt des entreprises à l’intérieur de l’UEM, « des assiettes tout d’abord, et ensuite des taux » ;
3° un salaire minimum « établi en fonction de la richesse de chaque pays » ;
4° un triplement des crédits Erasmus et des échanges étudiants (actuellement les subventions très faibles et les gouvernements doivent faire un gros effort, ce qui se fait donc aux dépens des jeunes les moins favorisés) ;
5° un chèque éducation de deux ans pour permettre au jeune qui abandonne ses études de les reprendre quand il le voudra et le pourra ;
6° Une loi cadre pour les services d’intérêt général (SIG). « Personnellement, je n’aurais jamais accepté que la directive Services, même amendée, soit adoptée sans avoir en parallèle une loi cadre sur les SIG. La société vit des deux, services public et privés, il n’y a aucune raison de privilégier l’un plutôt que l’autre ».

Son compère du Parti socialiste européen, le Danois Poul Nyp Rasmussen, a ajouté:
1° demander au Conseil des ministres de l’Economie de se prononcer dans les 4 ans sur un plan d’investissement ; ce qui peut permettre 10 millions d’emplois en plus sur quatre ans et l’amélioration des finances publiques.
2° Pourquoi ne pas créer un droit pour les travailleurs à l’apprentissage au long de la vie, un crédit de formation continue, de quelques heures, un droit mutuellement reconnu.
3° Développer une campagne pour les services à la petite enfance.

CERTAINS DOIVENT SE TAIRE, D’AUTRES AGIR
Jacques Delors a sorti aussi quelques coups de griffe
Sur les chefs d’Etats et de gouvernement « ils montrent les muscles chez eux mais au Conseil européen, ils ne sont plus là, il faut que le Conseil européen cesse de se mêler de tout » —,
La Commission européenne : « si une institution considère que des problèmes sociaux sont vitaux, qui l’empêche de prendre des initiatives, il faut que cette institution soit considérée et que le Conseil des ministres prenne des décisions»

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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