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Le Parlement imprime sa marque

(Archives B2) Cet provient d'une série rédigée sur les "Elections 2004". Souvenirs...

En 1957, au moment d’écrire le traité de Rome, l’Europe avait été conçue sans représentation des peuples. Tout était basé sur un dialogue entre des hommes politiques, représentés au conseil des ministres et une administration, la Commission européenne, l’assemblée n’ayant une vocation que consultative.

Extension des pouvoirs du Parlement

L’irruption du suffrage universel, il y a 25 ans, en 1979, a changé la donne sans pour autant la bouleverser. Les premières années, le Parlement était essentiellement appelé à donner son avis. C’est à partir de l’Acte unique en 1986 et surtout après le traité de Maastricht en 1993 que la situation a commencé à changer. Le Parlement ayant à donner son aval sur de plus en plus de domaines. Et aujourd’hui, l’hypothèse d’un droit de veto n’est plus une simple théorie.

Le projet OPA aux oubliettes

Sous cette législature, le libéral commissaire au marché intérieur, le Néerlandais Frits Bolkestein en a fait les frais sur un texte pourtant phare, visant à harmoniser les Offres publiques d’achat (OPA). Après d’âpres négociations, il était parvenu à rassembler une majorité d'Etats et d’eurodéputés, derrière son projet visant à harmoniser les règles du contrôle d’entreprise. A une exception notable : Allemands et Néerlandais étaient farouchement opposés, décidés à défendre à la fois leur modèle de cogestion sociale et leur système de noyau dur capitalistique.

Dans un vote à l’arraché, les opposants repoussèrent l’assaut, parvenant à égaliser la partie. 273 contre, 273 pour, la présidente du Parlement Nicole Fontaine s’étant abstenue comme le veut la tradition. Egalité valant rejet, selon le règlement interne de l’assemblée, le texte tombait alors aux oubliettes. Et Frits Bolkestein repartait de Strasbourg, amer et dépité.

Ainsi que la directive sur les services portuaires

L’opération allait se répéter pour la directive sur les services portuaires, en décembre dernier. Les députés montrant, par là, à la commissaire conservatrice espagnole, Loyola de Palacio, son opposition à toute libéralisation supplémentaire dans le secteur. Tout un chacun sait qu’en Europe, la voix des élus du peuple ne compte pas pour du beurre ! Et, même si formellement, les Ministres et la Commission ne sont pas tenus de prendre en compte ses demandes d’amendement, l’épée de Damoclès est suspendu sur leurs têtes.

Certains n’ont pas encore tout à fait compris cette nouvelle donne, explique Gilles Gantelet, un des porte-paroles les plus expérimentés de la Commission européenne et ancien du collège de Bruges, « Le Parlement est devenu un acteur important et utile. Sous sa pression, les Ministres ne peuvent plus garder une décision sous le coude », comme c’était souvent le cas auparavant ». Ceux qui ont le plus de mal à appréhender cette situation, ce sont justement les ministres.

« Pendant plusieurs années, ils ont passé des heures et des heures, lors de débats houleux à corriger jusqu’à la virgule près pour arriver à une position commune, alors qu’on était en première lecture, que le Parlement n’avait encore rien discuté ». Résultat, dans certains cas, comme en sécurité maritime, « toutes ses virgules ont été balayées ». Et le Parlement a imposé sa volonté.

Nicolas Gros-Verheyde. Paru dans France-Soir, juin 2004

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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