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Quinze juges décideront de l’avenir du budget français

Bruxelles décide de saisir la Cour de justice européenne pour se prononcer sur l’absence de procédure de déficit excessif envers la France et l’Allemagne

(Archives B2) La Commission européenne s’y sera repris, à plusieurs fois, avant de plonger. Elle a tergiversé, soupesé, reporté sa décision. Tous les commissaires n’étaient pas d’accord. L’Espagnol Pedro Solbes et l’Italien Romano Prodi, président de la Commission étaient pour. L’Allemand Gunther Verheugen ou le Français Michel Barnier, plutôt contre. Puis, ce mardi après-midi, à Strasbourg, elle s’est enfin décidée, sans vote mais aussi comme le rapporte un commissaire « sans décision consensuelle ».

Oui, la Commission européenne ira à Luxembourg, le siège de la Cour de justice européenne. Mais un peu comme l’empereur d’Allemagne, Henri IV, se rendait à Canossa, à regret, contraint et forcé... par son destin ! De par les traités, la Commission est en effet chargée de la mission qui est à la fois la plus noble et la plus ingrate : celle de veiller au respect des règles communautaires. Et celles-ci sont formelles. Il existe une procédure pour les Etats membres qui ne respectent pas le pacte de stabilité, les fameux critères de Maastricht, notamment en matière de déficit public. Cette procédure doit être respectée. Les Etats ne peuvent en inventer une autre (voir encadré).

En refusant, fin novembre, de poursuivre la France et l’Allemagne pour leur dérapage budgétaire, les Quinze ont d’ailleurs créé un précédent, sérieux. Le Parlement européen et plusieurs Etats membres avaient violemment protesté. Les Quinze juges devront se prononcer non pas directement sur le point de savoir si la France et l’Allemagne ont violé le pacte de stabilité mais pour apprécier si le Conseil des ministres des Quinze avait toute latitude, ou non, d’interpréter les critères de Maastricht comme bon lui semble. Délicate question...

Nicolas Gros-Verheyde (à Bruxelles)
Publié dans France-Soir, janvier 2004

Et maintenant...

Pour Gerassimos Thomas, porte-parole de la Commission, « l’affaire pourrait être bouclée entre trois et six mois ». Un propos assez optimiste d’après nos informations. D’une part, plusieurs étapes sont nécessaires avant un jugement : publication de la requête au journal officiel, échanges de mémoires écrits, plaidoirie orale, conclusions de l’avocat général. D’autre part, tout Etat membre et toute institution communautaire peuvent intervenir au procès ; ce qui ralentit d’autant la procédure. La décision pourrait donc prendre de longs mois ou années. Le budget français n’est pas pour autant sauvé ! La Commission devrait, en effet, le réexaminer, lors de sa réunion du 28 janvier prochain. Et le sujet pourrait être à l’ordre du jour des ministres de l’Economie et finances, le10 février. Francis Mer devra encore lutter...

Ce qui a poussé Bruxelles à agir

Pour le service juridique de la Commission, dont nous avons pu prendre connaissance de l’avis, le texte favorable au dérapage budgétaire de la France et de l’Allemagne est illégal pour une raison fondamentale. « Le Conseil [des ministres] n’a pas adopté l’instrument formel recommandé par la Commission mais a adopté, à la place, un texte atypique qui, n’est pas prévu par le Traité et [lui] est contraire ». En fait, tout est affaire de mot et de temps. Le Conseil « décide » n’équivaut pas au Conseil « peut » décider. Pour les experts juridiques de la Commission, comme le Conseil des Ministres « ne conteste pas l’évaluation [du déficit], on doit considérer qu’il a renoncé à son pouvoir discrétionnaire ». Il doit alors adopter une décision, donc des sanctions. Qui a dit : le diable se niche dans les détails ?

NGV

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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