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Marché intérieur

Bruxelles excédé par Paris affûte ses armes

(B2) Si officiellement, à Bruxelles, « Chaque dossier est traité selon ses propres mérites » et « nous ne jugeons pas l’attitude mais les faits » ; en réalité dans les couloirs de la Commission, l’attitude française, et de son premier ministre, « arrogante », suscite moult commentaires. Les plus loquaces se montrent quelque peu excédés - c’est « du poujadisme facile » - voire un peu las. « Raffarin n’a fait que dire tout haut ce qui est une pratique courante. La France, et plus particulièrement son administration, culturellement, n’ont jamais compris ni admis pourquoi une autorité en dehors de Paris a le droit de lui dire ce qu’il faut faire », assure un fonctionnaire britannique.

Effectivement, si l’on examine le tableau des infractions aux règles communautaires, non seulement la France est championne quasiment toutes catégories mais son dilettantisme ne laisse pas d’étonner. « Quand la Commission met en demeure les Français d’appliquer une norme, généralement ils ne bronchent pas » expliquer un fonctionnaire. « Même pas un courrier. Ce n’est que sous la menace d’une saisine de la Cour de justice ou d’une amende qu’ils se réveillent ». L’affaire Alstom est particulièrement exemplaire. A la DG concurrence, où l’on s’échine depuis quelques jours à trouver une solution à l’amiable, on s’arrache les cheveux. « Pourquoi les Français ne nous ont pas notifié ce dossier plus tôt » relate un vieux routier de la concurrence « Nous aurions pu mener notre enquête et discuter plus sereinement ». Résultat, la Commission européenne, bien décidée à faire un exemple, ne démord pas. Si le gouvernement français ne propose pas des concessions d’ici mardi soir, « nous enverrons mercredi  une injonction de suspendre l’opération ».

Quant à l’aide versée à Bull, les carottes sont déjà cuites, la Cour de justice sera saisie le 1er octobre prochain. Et Bruxelles affûte déjà ses armes sur d’autres dossiers, qui font mal. Dans le collimateur, l’interdiction de la publicité pour le cinéma ou l’édition à la télévision, et la loi Royer, revue … Raffarin, sur les supermarchés. Comme le commente ironiquement un observateur de la scène bruxelloise, « en reprenant les propos de Chirac aux pays candidats, en pleine crise irakienne, on pourrait dire que Raffarin a perdu une bonne occasion de se taire ».

Nicolas Gros-Verheyde (à Bruxelles)

Paru dans France-Soir, septembre 2003

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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