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Le Non Belge à la guerre en Irak

(B2) En Belgique, le consensus est quasi-général. Dans ce pays aussi plat qu’un plat, qui héberge non seulement le siège de l’Otan mais aussi plusieurs bases militaires, la tradition pacifiste reste vigoureuse, particulièrement en Flandre. Et les mouvements américains de troupes ne peuvent être passés sous silence.

L’aéroport d’Ostende et le port d’Anvers ont ainsi été mobilisés courant janvier pour embarquer du matériel militaire US. Le tout sous protection de l’armée belge. Ce qui a suscité quelques soubresauts au sein de la coalition au pouvoir. Très vite, socialistes et écologistes sont montés au créneau. Le leader socialiste wallon, Elio Di Rupo, qualifiant ainsi cette "guerre particulièrement insensée", de "tromperie" (1). Un temps favorable à une solution militaire, les libéraux, leurs alliés au gouvernement, ont dû se ranger à l’opinion générale. 84 % de la population est en effet hostile à toute intervention. Un chiffre qu’aucun homme politique ne peut ignorer à trois mois des élections générales.

Dans ce pays aux tréfonds catholiques, nul ne peut également ignorer le vibrant plaidoyer en faveur de la paix de Godfried Danneels, l’archevêque de Malines-Bruxelles. La veille de Noël, il avait stigmatisé le « God Bless America ». « Accaparer Dieu pour sa propre cause, ce n'est pas la première fois que cela se produit dans l'histoire de l'humanité, mais il faut savoir que ça ne se fait pas » a-t-il déclaré, condamnant également toute guerre préventive. « Il faut résoudre les problèmes du monde d'une autre façon ». La Belgique a ainsi suivi à l’OTAN, la France et l’Allemagne dans leur refus de répondre aux demandes d’assistance américaine.

La position des institutions européennes, entre silence et condamnation

La Commission européenne s’est montré d’une hypocrisie peu commune. Alors que parallèlement elle revendique le pouvoir de conduire, aux cotés du conseil des ministres, la politique extérieure, elle n’a montré aucun signe de volonté en ce sens. Interrogée par nos soins, le porte-parole de la Commission, Jean-Christophe Filori, indique que la Commission se range du coté du Conseil… L’exécutif européen en a été même incapable d’émettre le moindre point de vue à titre humanitaire. Comme il avait pu le faire dans le passé.

Le Parlement européen a été plus audacieux. Faisant taire leurs divergences, députés libéraux, socialistes et écologistes, ont en effet voté une résolution forte, condamnant toute « frappe préventive [ce qui] contreviendrait au droit international ». Adoptée par 287 voix pour et 209  contre, ce texte estime également que les "violations de la résolution 1441 (...) actuellement relevées par les inspecteurs en ce qui concerne les armes de destruction massive ne justifient pas le lancement d'une action militaire". Une délégation de 33 parlementaires européens, mené par l’écolo belge Paul Lannoye et le communiste français, Francis Wurtz, est d’ailleurs actuellement en Irak et devrait rendre compte de sa mission la semaine prochaine.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Le PS belge a rappelé "qu'il partage les préoccupations exprimées par un grand nombre de mouvements politiques et d'associations de la société civile pour qui une guerre en Irak aurait des conséquences désastreuses". "Si le régime anti-démocratique de Saddam Hussein est fortement condamnable, dans l'état actuel des choses, une nouvelle intervention militaire dans ce pays est injustifiable"

(Paru dans Témoignage Chrétien, février 2003)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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