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Les sanctions économiques contre Israël : un leurre ?

(archives B2) Alors que la situation au Proche-Orient perdure, la piste des sanctions économiques est de plus en plus souvent évoquée par plusieurs responsables politiques.

La question divise les Européens, certaines gouvernements comme le Danemark s’y refusent. Même le gouvernement belge, pourtant allant, serait partisan de mesures plus ciblées. L’Espagne qui préside l’Union européenne, a donc choisi une voie médiane. Par la voie de son ministre des affaires étrangères, Josep Picqué, elle entend « convoquer prochainement le conseil d’association UE - Israël ». Mais la vraie question est : pour faire quoi ? Le véritable ciment de cet accord d’association signé en 2000, qui a pris le relais de textes plus anciens, le premier ayant été signé en 1975, est en effet économique.

La partie de l’accord qui lui est consacrée représente la quasi-totalité du document : 150 pages! A comparer à la maigrelette page consacrée au dialogue politique, remplie de principes, bien généreux et généraux, pour « susciter une meilleure compréhension réciproque », « assurer la sécurité et la stabilité dans la région » ou « entretenir un dialogue politique régulier ». Mais qui suffisent et « peuvent être utilisés dans  une réponse politique à  l'humiliation infligée par le  gouvernement Sharon à l’Union européenne » comme l’a soutenu le ministre des affaires étrangères belge, Louis Michel, à la VRT, la télévision flamande. « Dans un partenariat nul ne peut nier le rôle de l’autre » explique l’un de ses proches conseillers. Sur le plan économique, la marge de manoeuvre européenne est plus faible. Tout simplement, car dans cette coopération, c’est l’Europe qui sort grande gagnante. D’année en année, invariablement, le bilan des échanges commerciaux avec Israêl est en déficit pour cette dernière. En 2001, ainsi, le commerce avec la Communauté européenne a représenté pour ce pays un tiers de ses exportations (6,9 milliards de $) et 41 % de ses importations (11,4 milliards de $), soit un déficit de 4,5 milliards de $ (7 milliards de $ en 2000).

Les   menaces,  voire  les  simples  rumeurs  sur  d'éventuelles  sanctions économiques   de   l'Union européenne   (UE),  provoquent  d’ailleurs des  réactions épidermiques  en Israël. " Si les Quinze pensent qu'ils peuvent exercer des pressions  politiques en  se  livrant  à  cette  forme de chantage, ils se trompent  lourdement  ", explique un responsable des Affaires étrangères. " Nous  ne sacrifierons pas la sécurité de notre pays sur l'autel d'un accord d'association ", proclame-t-il. D’ailleurs, poursuit-il "  Nous  voyons  mal,  dans ces conditions, comment l'Europe pourrait  se  tirer une balle dans le pied en sanctionnant un bon client  au  risque  de  pénaliser  les  entreprises  du  Vieux Continent ".

Dans  la  haute technologie, Israël est aussi associé au 5e programme-cadre européen de Recherche  et  de Développement qui permet de financer des projets communs. Une  remise  en  cause  de  ces  facilités  n'inquiète pas outre mesure les entreprises  spécialisées dans ce secteur. " L'Europe ne nous a pas fait de cadeau, car Israël est dans le peloton de tête dans la haute technologie ", souligne un cadre d'une entreprise d'informatique à Tel-Aviv. "  Si  les  Européens  nous  lâchaient, cela  n'affecterait  que  de façon marginale  notre  secteur, qui s'est surtout développé ces dernières années en  s'associant avec des multinationales  américaines telles qu'Intel ou Motorola ", poursuit-il. Israël d’ailleurs pourrait tout aussi bien invoquer, à son tour, le traité d’association à son profit. En effet, l’article 76 permet à tout signataire de l’accord de prendre toutes mesures nécessaires en cas de troubles internes graves ou de guerre. Dans le jeu de la remise en cause de l’accord, c’est alors Israël qui pourrait saisir la balle au bond. [Des  réactions  qui traduisent la profonde méfiance qu'inspire l'Europe sur le  front  politique. Israël accuse l'UE d'être "pro-arabe " et a toujours refusé  de  lui  voir  jouer  un  rôle actif dans les négociations avec les Palestiniens qui restent une chasse gardée des États-Unis.]

Nicolas Gros-Verheyde - avec Pascal Lacorie (à Jérusalem)

article publié dans La Tribune, avril 2002

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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