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Sanctions européennes contre la Russie : du pipeau ?

La fermeté des Européens à l’égard de la Russie s’est dégonflée comme une baudruche contrairement à ce que prétend Hubert Védrine

Les Tchétchènes peuvent continuer à mourir tranquilles ! Leur souffrance ne trouble pas vraiment les puissances européennes. Comme le prouve la réunion qui débute aujourd’hui, à Lisbonne, entre
Russes, Européens et Américains qui ne devrait aborder que, du bout des lèvres, ce sujet délicat. Comme le prouvent également le défilé incessant de ministres européens au Kremlin, depuis début
janvier. Ministres italien, allemand, français, britannique ont fait le voyage de Moscou. Sans jamais réussir à influer notablement la volonté exterminatrice du Premier ministre russe, Vladimir
Poutine. Et cependant, rappelons-nous. C’était à Helsinki, au mois de décembre. Pour le dernier conseil européen du siècle, les Quinze chefs d’État et de gouvernement de l’Europe prennent alors une
décision, qualifiée de ferme : « la mise en œuvre de la stratégie commune de l'Union européenne à l'égard de la Russie doit être réexaminée ». Un catalogue de sanctions est décidé. Noël passe... La
fermeté retombe. La diplomatie reprend le dessus. La Commission européenne a alors toutes les peines du monde à faire avaliser par les Quinze ministres des affaires étrangères, le 24 janvier,
quelques mesures, bien symboliques au demeurant. Qu’on en juge ! L’extension du système de préférences généralisées, pour l’importation de produits russes, est certes gelée ; mais les préférences
déjà en vigueur sont préservées, ce qui représente une aide de 120 millions d’Euros. Le programme d’assistance technique dont bénéficie la Russie, dénommé Tacis, est certes réorienté vers la
société civile. Mais cette mesure n’a pas encore été suivi d’effets concrets. De toute façon, elle ne sera valable que pour le budget 2000. Les budgets 1998 et 1999 pourront donc continuer à être
dépensés, comme c’est le cas actuellement. En fait les seuls résultats concrets, décidés par l’Europe, n’ont rien à voir avec la situation en Tchétchénie. Un surplus de budget d’aide alimentaire de
30 millions d’Euros (environ 200 millions de francs) a ainsi été gelé. Mais cette décision est davantage motivée par la volonté de ne plus faire bénéficier la Russie de financements détournés par
des réseaux mafieux. Quant à la diminution du quota d’importation d’acier russe, elle a davantage à voir avec une mesure de rétorsion, classique dans un accord commercial, - les Russes ayant
augmenté leurs droits de douane - qu’avec le respect des droits de l’homme. En fait, cet ersatz de sanctions démontre, à nouveau, la faiblesse de la diplomatie européenne. Et ce n’est pas Hubert
Védrine, qui soutiendra le contraire. Même si à Paris, le ministre français des affaires étrangères paraît ferme, à Bruxelles, sa fermeté fond comme un chocolat sous la langue. Tout à sa
préoccupation de voir « Le dialogue avec la Russie poursuivi », l’ancien conseiller de François Mitterand perpétue l’héritage de la “Realpolitik”.

(NGV)

(article publié dans France-Soir, février 2000)

(détails chronologiques)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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